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10 août 2011 3 10 /08 /août /2011 07:45

AbsolumentDebordee.jpgZoé Shepard, vous connaissez ? Non, désolé pour les téléphages amateurs de séries hospitalières, Zoé Shepard n’a aucun rapport avec le docteur du même nom qui officie dans Grey’s Anatomy. Zoé Shepard, c’est le pseudo emprunté par Aurélie Boullet, fonctionnaire territoriale à la région Aquitaine, pour signer un livre intitulé « Absolument dé-bor-dée ! ».

 

Livre dont le sous-titre est « Comment faire les 35 heures en … un mois ! ». Et livre qui a valu à son auteure 4 mois de mise à pied. Ainsi que sans doute une sacrée bonne ambiance à son retour au travail, vu les portraits cruels qu’elle dresse de ses collègues (on n’ose pas écrire de travail) dans son ouvrage. Pamphlet réaliste pour les uns, livre outrancier et condescendant pour les autres, l’ouvrage en question a en tout cas fait débat. Ne l’ayant pas lu, et n’ayant au demeurant aucune envie de le lire, on se gardera bien de prendre position. Si on vous parle de ce livre aujourd’hui, c’est à propos de la vision qu’il donne de la communication municipale. Un internaute fidèle de nos pages nous a fait parvenir un extrait du livre, que vous trouverez ci-dessous. On laisse à chacun le soin de remplacer les noms des personnages par qui bon lui semblera. Non sans apporter quelques précisions, donnée par l’auteure dans son livre. « le Don » c’est le maire. Alix, la chef de bureau. Communicator, le chargé de com. Les Chiottards, la garde rapprochée du maire, incompétente, et composée de gens embauchés par protection.

 

Toute ressemblance avec la réalité serait à imputer à cette dernière. A noter qu’à Aix les Bains, notre « Don » à nous se déplace bien avec son hagiographe accroché à ses basques, appareil photo et/ou caméra en bandoulière. A cette différence près que l’hagiographe en question n’est pas un quelconque journaliste de la presse locale, mais un employé de la ville.

 

Juste un mot quand même concernant la polémique suscitée par ce livre. Dans un de ses articles (lire par ailleurs), le site Rue 89 rappelle que dans la fonction publique, les cadres perçoivent un salaire inférieur de 1.000 euros (en moyenne) à celui des cadres du privé. Oui, c’est vrai. Les cadres du public sont généralement moins bien payés que ceux du privé. Mais pour être juste, sans doute aurait-il fallu rappeler que les non cadres du public sont généralement mieux payés que ceux du privé …

 

Et maintenant voici, comme annoncé, l’extrait du livre d’Aurélie Boullet alias Zoé Shepard. Bonne lecture.

 

 

En me traînant au point de rendez-vous, je réalise qu'il y a pire que l'ennui au bureau.

 

L'ennui au bureau est confidentiel et il est aisé de s'inventer une vie professionnelle trépidante. Pour ce faire, il suffit d'attraper une pile de dossiers, d'en renverser une partie sur son bureau, de courir dans les couloirs avec l'autre partie sous le bras en adoptant un air oppressé et de clamer à tout crin combien on est dé-bor-dé.

 

La plupart des personnes du service sont du reste très au fait de cette loi d'airain qu'elles mettent en application dès que faire se peut.

 

Il est beaucoup plus délicat de simuler lorsque l'on joue les plantes vertes tout un après-midi, désagréablement coincée entre les membres les plus horripilants du Gang des Chiottards et le Don.

 

Je rejoins Alix et commence à m'avancer vers le Gang lorsque je suis aveuglée par une nuée de flashes à laquelle je réagis naturellement comme tout être humain normalement constitué. Et doté d'un sens de la politesse et de la poésie sans égal.

- C'est quoi ce bordel, encore ?

 

Entre deux pianotages frénétiques sur son BlackBerry, Alix manque de s'étrangler devant la stupidité de ma question :

- Ben, le service de presse de l'Élu, voyons !

 

Évidemment ...

 

Le moindre ruban d'inauguration coupé, le simple déplacement du Don d'un point A à un point B font l'objet d'articles aussi superficiels qu'inutiles dans la feuille de chou locale que Communicator compile dans une revue de presse aussi dense que l'action des élus est dérisoire. Sauf qu'aujourd'hui, le Don ne coupe rien et est plutôt statique, donc pourquoi avoir convoqué la presse ?

 

En fait de service de presse, je vois arriver le journaleux officiel du Don, son appareil photo dernier cri accroché au cou, façon touriste japonais devant la Pyramide du Louvre.

 

Le Don se déplace rarement sans son hagiographe. Enfin, la version du pauvre de Sulpice-Sévère, c'est-à-dire le Gros Bébert de la gazette locale, journaliste et photographe à ses heures. Alix s'avance, la tête haute, le regard droit, aux côtés de l'Élu de manière si solennelle que je m'attends à entendre résonner la 5ème symphonie de Beethoven d'un moment à l'autre. Pom pom pom pom ...

 

Le Don resserre sa cravate et s'approche, majestueux. Pom pom pom pom ...

 

Alix dégaine son BlackBerry. Personnellement, lorsque je vois le Don marcher, c'est immédiatement la musique des Bronzés font du ski qui me vient à l'esprit. Ah, mon mauvais esprit. Bébert commence à trottiner pour tenter d'emboîter le pas au Don et finit par carrément sprinter pour le rejoindre. Je les regarde s'éloigner de dos et m'attendris comme il se doit sur ce touchant spectacle : vus ainsi, on dirait une boule de pétanque et son cochonnet.

 

Son BlackBerry collé à l'oreille, Alix arrive et fait pivoter Bébert d'un geste expert pour qu'il prenne en photo le Don en train d'entrer dans une librairie. L'Élu ressent le besoin profond de se rendre dans les principales librairies des villes qu'il visite. Comme François Mitterrand ..., explique-t-elle lentement pour que Bébert retranscrive fidèlement ses paroles dans son futur article.

 

Comparer le Don à François Mitterrand est à peu près du même registre que comparer Miley Cyrus à Simone Signoret. Deux élus dans un cas, deux actrices dans l'autre. Rien à voir dans les deux cas. Pendant que le Don disparaît dans l'antre du savoir, le Gang des Chiottards s'aligne de part et d'autre de l'entrée, façon haie d'honneur. Je m'assieds sur une poubelle et dégaine mon iPod malgré le regard d'effroi que me lance Alix, en grande conversation avec son BlackBerry, sans doute pour négocier la location immédiate d'un tapis rouge.

 

Un quart d'heure plus tard, Mitterrand-Wannabe ressort de la librairie, l'air ravi, et annonce, à la consternation du Gang des Chiottards qui s'attendait sans nul doute à le voir dégainer un incunable de son sac en plastique :

- Ça valait le coup de venir, j'ai enfin réussi à trouver les deux albums qui manquaient à ma collection de Lucky Luke !

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