En octobre 2009, les aixois ont pu découvrir dans le journal municipal d’information un article d’une page consacré à la loi Scellier. Un article qui ne trouvait que des qualités à ce dispositif, le présentant notamment comme « le meilleur outil contre la crise immobilière ».
Mais qu’en est-il en pratique ? Rappelons très brièvement le principe de la loi Scellier. Elle consiste à consentir des avantages fiscaux conséquents à des investisseurs privés, en échange de leur engagement à louer le ou les appartements qu’ils achètent à un loyer plafonné. On peut effectivement imaginer sans mal que ce dispositif, tout comme les très nombreux autres dispositifs fiscaux similaires qui l’ont précédé, contribue à favoriser la construction de logements. Mais des logements pour qui au juste ? On le sait, il existe sur Aix une très grande carence en matière de logements sociaux. D’après la mission interministérielle d’inspection du logement social (MIILOS), le besoin se chiffrait à 180 nouveaux logements par an de 2009 jusqu’à 2016. Soit 1.440 nouveaux logements au total. Une chiffre énorme, surtout quand on le compare aux 700 logements annoncés en 2008 par la municipalité dans son plan Habitat 2014. La loi Scellier permet-elle d’apporter une réponse efficace à ce besoin de logements ? A l’évidence la réponse est non.
DU SCELLIER QUI N’A DE « SOCIAL » QUE LE NOM
Depuis 2009, Aix les Bains est éligible à la loi Scellier, ce qui n’était pas le cas auparavant. Le changement, comme pour d’autres communes, n’est intervenu que sous la pression des élus UMP. Aix est classé en zone B1, une des trois zones prévues par le dispositif Scellier. A chaque zone est affecté un plafond de loyer, ainsi qu’un plafond de ressources des locataires dans le cas du dispositif Scellier dit « social ». Voici les plafonds fixés pour 2010 :
Commençons par le plafond de ressource. 32.910 euros pour une personne seule, 48.328 euros pour un couple … etc. On voit bien que ces plafonds n’ont rien de sociaux. Rappelons qu’en 2007 (derniers chiffres publiés par l’INSEE) le revenu annuel imposable moyen des foyers aixois se situait aux alentours de 21.600 euros. Et que 50% des foyers d’Aix les Bains avaient un revenu annuel imposable en-dessous de 18.564 euros. L’écart entre la réalité des revenus des aixois et les plafonds du Scellier « social » parle de lui-même.
Voyons maintenant les plafonds de loyer. Prenons l’exemple d’un couple avec un enfant, à la recherche d’une location d’un T3 de 60 m². En Scellier « classique », son loyer peut se monter jusqu’à 15,10 euros/m², soit pour 60 m² 906 euros par mois. Sans les charges. En Scellier « social », le plafond est à 12,08 euros/m². Ce qui fait tout de même un loyer mensuel hors charges de quasiment 725 euros. A titre de comparaison, pour la zone d’Aix les Bains, le plafond de loyer pour les logements les plus sociaux (les PLAI) n’est que de 4,20 euros/m²/mois. Et en PLS (les logements sociaux les moins aidés) le plafond ne dépasse pas les 7,11 euros/m²/mois. Le plafond de loyer du Scellier « social » est donc de 1,7 à quasiment 3 fois plus élevé que celui du logement social. Un écart qui là encore parle de lui-même, et montre bien que le Scellier, même affublé du qualificatif de « social », n’a vraiment pas grand-chose de social.
À QUI CELA PROFITE-IL VRAIMENT ?
Si l’on en croit la municipalité aixoise, avec en première ligne son maire Dominique Dord, la loi Scellier est un dispositif qui profite à tout le monde (lire ci-contre l’extrait du journal municipal d’octobre 2009). Ce serait donc un dispositif profitable à tout le monde, et (on cite) « tout particulièrement pour les ménages aux revenus les moins élevés car les loyers sont plafonnés ». Un argument totalement battu en brèche par les chiffres énoncés ci-dessus.
Reprenons le cas de notre couple avec un enfant. Classons le non pas dans la catégorie des revenus les moins élevés, mais dans celle des revenus moyens des foyers aixois. Soit en gros 21.600 euros par an. En Scellier dit « social », leur loyer pourrait représenter jusqu’à 40% de leurs revenus annuels. En Scellier classique, jusqu’à 50% de leurs revenus. On vous laisse imaginer ce que ça donne sur les revenus les moins élevés. Et on rappelle également que le taux d’endettement maximum accepté par les banques pour un emprunt immobilier est de 30% des revenus.
Alors à qui tout cela profite-t-il vraiment ? Aux promoteurs immobiliers bien évidemment. Qui produisent et vendent à foison, avec de jolis bénéfices à la clé, des logements surévalués qui ne répondent pas aux besoins de la population. Mais aussi aux investisseurs privés qui, comme le suggèrent de très nombreuses publicités (deux exemples ci-dessous), peuvent « effacer » leurs impôts pendant 9 ans tout en se constituant un capital. A n’en pas douter la loi Scellier est frappé du sceau du libéralisme actuel : celui qui permet à une poignée de s’enrichir en puisant dans l’argent de la collectivité tout en produisant des biens et des services qui ne sont pas en rapport avec les besoins de l’immense majorité de la population.
Et ça se passe à Aix les Bains, sous nos fenêtres, dans nos rues. Et notre député-maire trouve que c’est très bien !