En mentionnant dans un précédent article (lire par ailleurs) le prix de 60,25 euros/m² consenti à l’OPAC par la ville d’Aix les Bains pour l’acquisition de 18.000 m² de terrains sur le secteur de l’ancien tir aux pigeons, nous laissions plus ou moins sous-entendre que c’était là une bonne affaire. Eu égard au prix moyen du foncier sur Aix les Bains. C’était sans doute aller un peu trop vite en besogne. Explications.
Rappelons tout d’abord que faire bénéficier l’OPAC d’un prix « bas » n’aurait rien de choquant, si tant est que l’opération immobilière projetée ait pour but la réalisation de logements sociaux, que Monsieur Dord préfère appeler des logements « pour tous ». Pour tous mais pas pour lui qui préfère sa demeure de caractère et ses 15.000 m² de terrain à Saint-Innocent, on le comprend bien ! Bon, en l’espèce l’opération projetée par l’OPAC ne concerne que 50% de logements sociaux. Les 50% restants étant des logements du marché « libre ». Et sur les 50% de logements sociaux, 3 sur 5 seront des logements locatifs, les 2/5ème restants étant destinés à l’accession à la propriété dite sociale.
Quant aux terrains, d’une surface totale d’environ 18.000 m², on ne peut pas dire qu’ils soient idéalement situés. Ils bénéficient (façon de parler) d’une orientation nord, et ont comme voisines la route qui dessert la zone des Combaruches et, surtout, l’autoroute A41, située à moins de 50m à l’est (en violet sur le plan ci-dessous). Nuisances sonores garanties jour et nuit. Et on veut bien parier que les logements sociaux seront implantés de façon à servir d’écran acoustique aux logements du marché « libre ». Autre caractéristique de ces terrains : aucune ligne du réseau Ondéa ne les dessert. Voiture obligatoire donc. Si ce n’est voitures obligatoires, au pluriel. Bref, pour les futurs habitants, le tir aux pigeons, ce n’est pas vraiment le Pérou. Et pour l’OPAC non plus d’ailleurs.
Car l’organisme a beau bénéficier d’un prix de 60,25 euros/m², l’affaire n’en n’est pas pour autant aussi bonne qu’elle peut y paraitre à première vue. C'est-à-dire en se contentant de regarder le prix du terrain au m². Or si ce prix est un indicateur assez fiable concernant des projets individuels, il en va autrement pour les projets collectifs. Pour ces derniers, mieux vaut regarder le prix du m² de surface hors d’œuvre nette (la fameuse SHON). Autrement dit la surface de logements (ou bureaux, commerces … selon la nature de l’opération) que l’acheteur va pouvoir construire et donc vendre ou louer au final. Les terrains du tir aux pigeons sont classés au PLU en zone UD. Ce même PLU leur impose un coefficient d’occupation des sols de 0,25. En clair pour chaque m² de terrain acheté, il n’est possible de construire que 0,25 m² de logements. Soit pour les 18.000 m² de terrains, au maximum 4.500 m² de SHON. A 1.084.500 euros (hors frais de notaire et de géomètre), cela fait le m² de SHON à 241 euros. Et ce, rappelons-le, pour des terrains en bordure de l’autoroute, isolés loin du centre ville et des commodités, sans aucun commerce à proximité, sans desserte par les transports en commun.
La comparaison est intéressante à faire avec une autre vente réalisée par la ville il y a quelques années de cela. Elle concernait des terrains bien mieux situés, au bas de la rue de Genève, un peu à l’écart, précisément entre l’avenue d’Annecy et la rue Vaugelas. A deux pas du centre ville, du marché, des commerces. A quelques minutes à pied de l’hypercentre ville et de la gare. Avec 3 lignes de bus passant à proximité immédiate. Sur ces terrains, pas de logements sociaux : que des appartements de standing, ainsi que des commerces dont un supermarché. Bref, en toute logique, le prix de vente du m² de SHON aurait du être bien supérieur à celui qui sera consenti à l’OPAC lundi prochain. C’est pourtant le très exact contraire qui est advenu. 241 euros/m² pour l’OPAC et ses logements sociaux à l’écart sous l’autoroute, 60 euros/m² pour Léon Grosse et ses logements de standing de l’ilot Verlaine.
Comme quoi à Aix les Bains pour faire de bonnes affaires immobilières, mieux vaut être une riche société privée en bonne santé financière1 qu’un organisme public chargé de donner un logement à tous.
DES QUESTIONS POUR FINIR
La question qui s’impose aux élus, mais peu se la poseront et encore moins tenteront d’obtenir une réponse, c’est de savoir ce qui justifie une telle différence de traitement dans ces deux ventes consenties par la ville. L'égalité n'est-elle pas de mise ?
Accessoirement, une autre question se pose : comment les services des Domaines expliquent-t-ils que leur estimation du prix du m² de SHON pour le projet OPAC du tir aux pigeons soit 4 fois supérieure à celle qu’ils ont faite pour l’ilot Verlaine et ses logements de luxe ?
Toujours accessoirement, on aimerait bien savoir ce que Robert Clerc, maire de Grésy et président de l’OPAC de la Savoie depuis 2008 pense de tout cela. Trouve-t-il normal que Dord fasse payer 4 fois plus cher à l’organisme social dont il a la charge qu’à une riche société privée ?
Dernière question, à laquelle la réponse est assez évidente : à votre avis, qui sont les pigeons sur lesquels on tire dans toutes ces histoires politico-immobilières ? Pigeons ou ... dindons !
1 Le bénéfice net cumulé après impôts de Léon Grosse de 2002 à 2009 s'élève à 131 millions d'euros. En attendant la publication des résultats de 2010 ...
commenter cet article …