En marketing politique, il faut sans arrêt en faire plus pour arriver à vendre un candidat et les salades qui vont avec. L’ennui, c’est que cette stratégie du toujours plus revient souvent à foncer droit dans le mur, de préférence en klaxonnant pour bien se faire remarquer. Car à force de multiplier les belles promesses sans lendemain, il arrive forcément un jour où quelqu’un vous demande des comptes. Et il est alors bien difficile de ne pas se prendre les pieds dans le tapis. C’est ce qui vient d’arriver à Dord et à sa « ville d’avance ».
En 2008, pour se faire réélire à la mairie d’Aix les Bains, Dord et son équipe de communicants appliquent tous les « bons » préceptes du marketing politique. Règle n°1 : des promesses qui viennent surenchérir sur de précédentes promesses qui n’ont pas été tenues. C’est le cas pour Dord par exemple avec ses « 500 étudiants à Aix en 2005 » (promesse de 2001 non tenue), qui se transforme en 2008 en « 1.000 étudiants à Aix en 2014 ». Règle n° 2 : chasser les anciennes promesses non tenues avec de nouvelles. Par exemple le rétablissement de l’équilibre financier des thermes d’ici à 2012. Equilibre qui aurait du revenir de lui-même depuis longtemps si la promesse de Dord de 2001 (40.000 curistes à Aix en 2005) avait été tenue. Règle n°3 : emballer le tout dans un joli paquet cadeau, à savoir un slogan. Qui doit être court pour bien accrocher l’esprit des électeurs. Règle n°4 : occuper le terrain, harponner les électeurs, marteler le message. Et c’est ainsi que la ville d’Aix les Bains s’est trouvée, le temps d’une campagne électorale, submergée sous le slogan « une ville d’avance ».
Impossible alors d’y échapper. Il est partout. Sur les tracts que Dord fait distribuer. Sur son programme électoral. Sur ses affiches. Y compris celles qu’il fait apposer de façon illégale. En vitrine de son local de campagne. Et jusque sur les bulletins de vote, histoire de poursuive l’électeur jusque dans l’isoloir. Car il faut lui insuffler l’idée qu’Aix serait, grâce à Dord bien évidemment, une ville d’avance. Ce matraquage en règle a porté ses fruits. Dord a été réélu. Mais ce demi-succès cache un vrai échec. Car à peine plus d’un tiers des électeurs aixois se sont laissés prendre. Ca fait vraiment peu en regard des efforts de séduction déployés et des moyens financiers mis en œuvre pour ce faire. Ca fait vraiment peu pour une liste qui se voulait ouverte et représentative de tous les aixois. Ca fait vraiment peu pour un maire qui prétendait avoir fait de « sa » ville une ville d’avance. C’est à croire que les aixois sont bien moins naïfs qu’ils n’en ont parfois l’air.
Deux ans plus tard, qu’est devenue la « ville d’avance ». La plupart des aixois ne se posent pas la question. Une partie s’en moque. Et l’autre n’a jamais cru au slogan publicitaire de Dord. La presse locale, jusqu’alors, ne s’intéressait guère non plus à la question. Jusqu’à cette interview de rentrée politique de Dord dans l’Hebdo des Savoie du 9 septembre. Vous noterez au passage que Dord est bien le seul homme politique du coin à faire chaque année sa rentrée politique dans la presse. On n’a jamais vu, entre autres, son homologue UMP et rumillien, Pierre BECHET, s’étaler ainsi dans la presse. Il faut dire que le personnage semble bien peu concerné par la mise en pratique du marketing politique, et préfère de loin l’action concrète sur le terrain. Mais revenons-en à Dord et à son interview par l’Hebdo des Savoie. Après avoir passé près de la moitié de l’interview à parler de sa personne et de sa nomination au poste de trésorier de l’UMP, Dord aborde enfin les sujets locaux. Le journaliste de l’Hebdo en profite alors pour glisser une question sur la « ville d’avance » : « Avec l’évolution que connaît Aix, le reclassement des Thermes, la fin de la maternité, peut-on toujours parler d’une ville d’avance comme votre slogan de 2008 ? ». Une question à la limite de l’impertinence, qu’un journaliste de la rédaction aixoise du DL n’oserait même pas imaginer en pensée. On ne saura jamais assez gré à l’Hebdo des Savoie d’essayer de mettre un peu d’indépendance et d’objectivité dans une presse locale aux ordres de la mairie.
A y regarder de plus près, cette question est plus vacharde qu’elle n’en n’a l’air de prime abord. Parler de reclassement des thermes, c’est plutôt gentil en un sens. Ca évite de parler de privatisation (la réalité), et ça passe aussi sous licence les emplois supprimés, la fermeture des thermes du centre ville, la fréquentation en baisse et le déficit qui se creuse. Mais enlevez la partie sur les thermes et celle sur la maternité, et vous obtenez la « vraie » question : « Avec l’évolution que connaît Aix, peut-on toujours parler d’une ville d’avance comme votre slogan de 2008 ? ». Une question qui ainsi formulée tape dur. Et tape là où ça fait mal : Aix les Bains est-elle vraiment une « ville d’avance » ? L’a-t-elle simplement été un jour depuis que Dord en a pris les rênes ?
Au vu de l’aplomb avec lequel Dord et ses colistiers nous ont martelé leur slogan tout au long de la campagne, mais aussi depuis qu’ils ont été élus, on s’attendait à une réponse dans le style « Mais oui, bien évidemment ! Au cours de mon premier mandat, j’ai réveillé la belle endormie1 et je l’ai transformé en ville d’avance. Avec ma nouvelle équipe, nous allons poursuivre dans la même voie, et même amplifier encore plus l’avance d’Aix les Bains » … etc. Et là, surprise de taille. Voila que Dord nous dit que (on cite) « la ville d’avance de 2008 n’était pas sur ces sujets là. Il était plutôt question de nouvelles technologies, d’internet disponible partout en wifi, d’administration électronique. ». Et c’est tout ! On en reste sur le cul ! En 2008, la ville d’avance (ou l’avance de la ville si vous préférez) ne portait donc que sur ces maigres sujets. Ce n’est pourtant pas l’impression que donnaient les documents de campagne et les discours de Dord au moment des élections. A l’époque, la ville d’avance était de partout : dans l’urbanisme, le logement, les thermes, l’hôpital, la santé, la sécurité, les déplacements, la démocratie, la circulation, le développement durable … etc.
Toutes ces belles affirmations n’étaient donc que du flan ! On n’en n’a jamais douté, mais quand c’est Dord lui-même qui le dit, ça prend une autre dimension.
Là où ça devient franchement rigolo, c’est quand on regarde ce qu’écrivait Dord en 2008 dans son programme électoral à propos du seul domaine (les nouvelles technologies) dans lequel il nous dit aujourd’hui que la ville était en avance à l’époque (lire ci-dessous).
Et oui, vous avez bien lu : en 2008 Aix les Bains ne tirait pas assez profit des nouvelles technologies de communication. En 2008 Aix les Bains était une « ville de retard » dans ce domaine. Et aujourd’hui, en 2010, Dord nous dit que « sa ville d’avance » de 2008 ne portait précisément que sur ce domaine où elle était donc ... en retard. La « ville d'avance en retard ». Un nouveau concept que seuls des spécialistes du marketing politique et des promesses électorales en l'air pouvaient oser inventer !
Comme nous l’écrivions en introduction de cet article, quand on est un fervent adepte du marketing politique, difficile de ne pas se prendre les pieds dans le tapis à un moment. Pour Dord, ce moment là est arrivé. Et en beauté. On espère qu’il ne s’est pas fait trop mal en tombant !
LE MOT DE LA FIN
Surveillez-bien les petites annonces du DL. Vous devriez bientôt pouvoir y lire une annonce ainsi libellée : Urgent. Rech. « ville d’avance » désespérément. Si vous avez des informations, contactez la maire d’Aix les Bains. Forte récompense.
1 Qualifier Aix les Bains de « belle endormie », c’était la précédente trouvaille marketing de Dord en 2001. Il a même réussi à faire croire aux aixois qu’il n’était pas l’inventeur de ce concept, et que c’était « les gens » qui parlaient d’Aix en ces termes.
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