En 2006, quand Dord et consorts lancent leur ZAC des bords du lac, ils prennent prétexte des besoins en logements, en équipements publics et en équipements touristiques de la ville pour faire déclarer leur projet d’utilité publique. Une utilité publique que dans un bref courrier d’une seule page adressé au préfet de la Savoie, Dominique Dord justifie par cette seule phrase :
7 ans plus tard, on voit que la réalité est à des années-lumière de l’utilité publique invoquée par le député-maire d’alors (mais aussi d’aujourd’hui, c’était juste pour le jeu de mots à 2 balles). Là où le SCOT de Métropole Savoie préconisait, dès 2005, de réaliser au moins 30% de logements sociaux, Dord et consorts se sont contentés de 20% Pour faire la part belle aux logements de standing voire de luxe, et aux résidences éligible à la loi Scellier. Quant aux équipements touristiques et publics, ils brillent par leur absence. Le seul équipement touristique existant, le camping du Sierroz, ayant même été amputé, pour les besoins de la cause des promoteurs immobiliers, d’un tiers de ses emplacements.
DES EXPULSIONS INDEMNISÉES EN MOYENNE 90 EUROS/M²
Il n’empêche que cette utilité publique qui a de plus en plus de mal à se dessiner a permis d’expulser un certain nombre de petits propriétaires, souvent bien en mal de se défendre face au rouleau compresseur administrativo-juridique de la SAS. L’indemnisation pour expulsion s’est faite à hauteur de 90 euros par m² de terrain en moyenne. Sachant que sur ce secteur d’Aix les Bains, la valeur du droit à construire se situe aux alentours de 500 euros le m² de SHON, on mesure le fossé qui sépare l’indemnisation versée aux expulsés du prix qu’ils étaient légitimement en droit d’attendre de leurs biens.
Le calcul est simple. L’opération immobilière dont il est question ici se réalise sur 4.592 m² de terrain. En admettant que tous les terrains concernés aient préalablement appartenus à des propriétaires privés (mais certains étaient peut-être propriété de la ville d’Aix), le prix d’acquisition pour la SAS s’élève alors à 4.529 x 90 = 413.280 euros. Et la valeur du droit à construire s’élève elle à 3.888 x 500 = 1.944.000 euros. Presque 5 fois plus.
UNE RÉSIDENCE DE LUXE DONT LES LOGEMENTS SERONT VENDUS EN MOYENNE 4.290 EUROS/M²
Les derniers expulsés en date sont les propriétaires de la parcelle BE 363. Ils ont, en vain, tenté d’obtenir une indemnisation à hauteur de 180 euros le m². Un prix qui semblait somme toute assez raisonnable, compte tenu de la situation de leur terrain et du projet immobilier appelé à y être réalisé. Ils ont royalement (!) obtenu 100 euros du m². Mais ils ont du payer de leur poche les frais de déblaiement de leur ex-terrain. Au final, ils s’en sortent avec 96 euros du m², et leurs yeux pour pleurer. L’honneur eut été sauf si cette expulsion, ainsi que celles des propriétaires des terrains voisins, avaient permis d’y réaliser des logements sociaux. On aurait alors pu dire que c’était pour la bonne cause. Mais sur ces terrains, point de logements sociaux en vue. Loin s’en faut.
Le permis de construire délivré pour les terrains dont il est question ci-dessus est aujourd’hui au nom de la SCI AIX BORD DU LAC II (quel joli nom). Après avoir été, pendant un mois seulement, au nom de la SA BELLECHASSE. La SCI AIX BORD DU LAC II a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Chambéry en novembre 2009. Elle a été constituée tout exprès pour cette opération immobilière. Ses fondateurs l’ont doté d’un capital mirifique : 200 euros en tout et pour tout. Diable, s’agirait-il de petits investisseurs sans gros moyens ? Que nenni les amis ! Car derrière cette petite SCI se cachent en fait deux poids lourds de la promotion immobilière : CONSTRUCTA et SOGEPROM. Et sur les terrains évoqués ci-dessus, ces deux sociétés vont construire non pas des logements sociaux, mais une résidence de luxe : l’AQUAE. De luxe, au moins dans ses prix. Prix moyen du m² : 4.290 euros. Mais où est donc l’utilité publique dans la construction d’une résidence dont le prix moyen du m² atteint de tels sommets !?
Et voila comment on roule des petits propriétaires dans la farine, en les indemnisant bien en-deçà de la valeur réelle de leur bien, en leur faisant croire qu’ils sont expulsés pour la bonne cause. Alors qu’en réalité ils sont expulsés pour permettre à des promoteurs immobiliers d’arrondir grassement leurs fins de mois en réalisant des logements hors de prix dont la population aixoise n’a aucunement besoin.
Alors bien sûr Monsieur Dord dira que tout ceci est parfaitement légal, que c’est sous contrôle … etc. On connait la chanson. La réalité, c’est surtout qu’il faudrait une armée d’avocats et des années de procédure pour obtenir gain de cause. Autant de choses qui font défaut aux propriétaires expulsés. Tout comme aux aixois qui s’indignent de cette situation. Pour triompher de l’argent roi, il faut hélas avoir à sa disposition des moyens financiers conséquents … curieux paradoxe.
A défaut d’avoir cette manne financière, rêvons un peu. C’est gratuit, et pas encore taxé. Imaginons qu’en 2014 le département bascule à gauche. La direction de la SAS (société d’aménagement de la Savoie, aménageur de la ZAC) passerait aussitôt sous le contrôle des élus de gauche. Qui pourraient alors imaginer de déclarer d’utilité publique la réalisation de logements sociaux mixtes (locatifs et en accession à la propriété) sur la commune de Saint-Innocent. Où se trouve justement un terrain de 15.000 m² se prêtant fort bien à cette opération. Manque de bol, ce terrain est occupé. Par une seule famille. Qui y est donc plutôt à l’aise. Rien de grave : une déclaration d’utilité publique plus loin, la famille en question sera sommée de quitter les lieux séance tenante. Moyennant bien évidemment une indemnisation conséquente. Voyons voir, sur les bords du lac pour une résidence de luxe, c’était 90 euros le m². Allez là pour du social pas vraiment à proximité des services et mal desservi par les transports en commun, 30 euros du m² ça nous semble déjà bien. Soit une indemnité totale de 450.000 euros. Une somme plutôt rondelette. Dont on ose croire que le propriétaire n’osera pas contester la légitimité. Et pour cause, ce propriétaire c’est Dominique Dord. Ce serait mal venu de la part de quelqu’un qui trouve normal d’expulser les autres en les sous-indemnisant !
Ci-dessous le courrier complet adressé par Dord au préfet pour motiver et justifier la demande de déclaration d'utilité publique de son projet de ZAC.
commenter cet article …