Suite de notre article d’hier, avec notre seconde piqûre de rappel sur 2 affaires politico-immobilio-financières de ces dernières années à Aix les Bains.
Léon Grosse, ou comment prendre prétexte de la crise pour ne pas encaisser 300.000 euros
Léon Grosse est une entreprise incontournable à Aix les Bains. La seule entreprise de dimension nationale à avoir son siège en ville. Elle fait partie des moteurs de l’économie et de l’emploi locaux. Ce qui facilite sans doute une certaine proximité avec la municipalité, et pas uniquement l’actuelle.
La précédente, celle d’André Grosjean, projetait de réaliser en centre ville de nouveaux équipements publics, dont un gymnase et un parking souterrain. En 1998, l’équipe municipale en place jette son dévolu sur des terrains situés en bas de la rue de Genève, entre l’avenue d’Annecy et la rue Vaugelas. Terrains appartenant à GDF. La ville en fera l’acquisition pour à peu près 610.000 euros. Mais le projet tarde à se réaliser et, en 2001, Dord se parachute à Aix et, sachant bien manœuvrer les électeurs de la droite locale, emporte la mairie. Et signe aussitôt l’arrêt de mort de ce projet qu’il juge insensé. Mais alors que faire de ces terrains ? Si sous son impulsion, la collectivité ne veut rien en faire, pour autant Dord ne manque pas d’idées pour le privé. Il revend donc le terrain à un satellite de Léon Grosse, pour une opération de promotion immobilière de près de 10.000 m² de SHON (surface hors d’œuvre nette). Une vente dont la ville ne tire aucun bénéfice, puisqu’elle s’effectue au même prix que l’achat fait 3 ans plus tôt. Et même pour moitié moins, nous allons y venir.
Mais il convient pour l’heure d’ouvrir une parenthèse. Pour rappeler qu’en 2001, Dord a réalisé une autre opération immobilière. Il a en effet racheté l’ancien institut Zander, cédé par la ville en 1998. Curieusement, alors qu’il revend le terrain GDF au même prix que le prix d’achat, il rachète l’ancien Zander pour 3 fois le prix de vente de 1998. Etonnant non, cette différence de traitement ? D’autant plus étonnant que, quand il réalise des opérations immobilières ou foncières à titre privée, Dord sait le faire en réalisant une marge au passage. Ce qui est somme toute parfaitement normal. Alors pourquoi ne pas faire de même quand il s’agit de l’argent de la ville et de ses contribuables ? Parenthèse refermée.
Nous disions donc qu’en réalité, le terrain GDF avait été revendu par Dord pour moitié moins que le prix payé par la ville en 1998 du temps de Grosjean. En effet, après avoir revendu le terrain à son prix d’achat original, Dord et ses colistiers ont ensuite voté une subvention de 300.000 euros au promoteur. Soit disant pour l’aménagement d’une placette publique. Celle située devant le magasin Carrefour Market. Toute personne un brin sensée passant devant cette placette a bien du mal à imaginer qu’elle ait pu coûter 300.000 euros ( lire par ailleurs). Mais surtout, le versement de cette subvention n’avait pas lieu d’être, puisque la placette en question ne fait pas partie du domaine public. C’est d’ailleurs ce qu’a dit le tribunal administratif en 2009, en jugeant cette subvention comme étant sans fondement légal aucun.
L’affaire aurait pu se terminer ainsi. La ville aurait été remboursée des 300.000 euros versés illégalement, et on aurait presque oublié le reste. A savoir le fait que 600.000 euros pour 10.000 m² de SHON en plein centre ville, ce n’est vraiment pas cher. Ca fait le m² de SHON à 60 euros. Pour mémoire, sur le terrain du boulevard Wilson, dont la situation en bordure de voie ferrée est nettement moins avantageuse que celle des terrains GDF de l’ilot Verlaine, l’estimation des Domaines était de 160 euros le m² de SHON. Presque 3 fois plus que le prix consenti par Dord à Léon Grosse. Au bas mot, c’est 1 million d’euros que la ville a laissé en route. Et plus certainement 2 voire 3 millions d’euros.
Oui, on aurait presque pu oublier tout ça. Mais non. Car il a fallu que Dord en rajoute encore. Comme si ça ne suffisait pas. Le voila donc qui, au lieu d’obtenir de Léon Grosse le remboursement des 300.000 euros, conteste la décision du tribunal administratif. A se demander s’il est le maire d’Aix les Bains ou celui de Léongrosseville ! De son côté, l’entreprise ne peut contester la décision rendue par la justice. C’est donc, à l’initiative de Dord, la ville qui s’en charge. A ses frais bien évidemment. Comprenez à vos frais, puisque c’est avec vos impôts. Et pour justifier sa position, Dord explique qu’en cette période de crise sans précédent, ce n’est pas le moment de porter un coup supplémentaire à une entreprise locale. Une entreprise dont, nous dit-il les carnets de commande pour l’année à venir sont vides (déclaration faite fin 2009, il s’agit donc des commandes pour 2010).
Que le maire d’Aix les Bains connaisse l’état des carnets de commandes d’une entreprise privée, voila qui révèle une certaine proximité, voire une proximité certaine. Proximité qui n’est en rien nécessaire pour connaitre l’état des finances de la société en question. Pour cela, il suffit d’aller sur internet. En quelques clics seulement, on découvre ainsi que de 2002 à 2008, Léon Grosse a multiplié par plus de 5 ses bénéfices nets (après impôts). En passant de 5 millions d’euros à 26 millions d’euros. On découvre aussi qu’en 2009, en pleine crise sans précédent, Léon Grosse a tout de même réalisé un bénéfice de 25 millions d’euros, quasiment le même qu’en 2008. On découvre également que les effectifs de l’entreprise sont restés stables de 2008 à 2009 (environ 1.600 salariés). On découvre enfin que les bénéfices nets cumulés de l’entreprise pour les 8 dernières années (2002 à 2009) s’élèvent à 131 millions d’euros.
Et on (Dord) voudrait nous faire croire que réclamer à cette société le remboursement de 300.000 euros qu’elle n’aurait jamais du toucher, ce serait lui porter un mauvais coup, voire le mettre en péril ? Et on (Dord) voudrait en plus nous faire croire qu’il est légitime de dépenser l’argent des contribuables en frais d’avocat pour éviter « l’injustice » que ce serait le remboursement de cette somme ? Vous connaissez la chanson : passées les bornes, il n’y a plus de limites …
Ci-dessous l'évolution des bénéfices nets après impôts de la société Léon Grosse, de 2002 à 2008. En 2009, son bénéfice net (25 millions d'euros) s'est maintenu au niveau de celui de 2008. On attend désormais les chiffres de 2010.
Epilogue
Dord cumule déjà les fonctions de député, de maire et de président de la CALB. Au vu de ces deux histoires, on se demande s’il ne cumule pas en sus une nouvelle fonction : celle de chargé de mission pour le développement des bénéfices de sociétés privées.
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