Il aura fallu attendre le milieu de la saison estivale pour que les aménagements du sommet du Revard, menés par la CALB, soient inaugurés. Inaugurés, mais pas terminés pour autant. Samedi dernier, 13 août, il restait encore des pelleteuses et autres traces du chantier. Mais que voulez-vous, les élus partaient en vacances, alors il fallait bien procéder à l’inauguration pour leur permettre d’avoir leur binette en photo dans la presse locale.
Les 3 millions d’euros dépensés par la CALB donnent envie d’aller voir le résultat. Les articles dithyrambiques publiés dans la presse locale encore plus. On cite quelques exemples. Des pontons qui permettent de découvrir un spectacle grandiose sur 180°. Et puis le lac plus proche que jamais. Il y a aussi des décharges d’adrénaline sur la passerelle de verre qui s’avance au-dessus de 1.500m de vide. Ou encore ce jardin alpin que l’on apprécie mieux depuis les pontons.
ADRÉNALINE AU BALCON DU 3ÈME ÉTAGE
Commençons par cette fameuse passerelle de verre. A propos de laquelle élus et journalistes locaux nous promettaient monts et merveilles. On s’imaginait déjà le Revard supplantant le Grand Canyon du Colorado. Au final, la passerelle du Revard peine à retenir l’attention des visiteurs plus de quelques instants. Passé le premier instant d’appréhension, légitime, on découvre rapidement qu’en guise de 1.500m de vide, on ne se trouve guère plus haut qu’au 3ème ou 4ème étage d’un quelconque immeuble. Et l’attention revient presque aussitôt se porter entièrement sur quelque chose qui le mérite vraiment. A savoir le panorama qui s’offre aux yeux des visiteurs. Le même panorama qui s’offrait déjà à leurs yeux avant la passerelle de verre.
A gauche, petit moment d’appréhension avant d’aborder les dalles en verre. Lesquelles se font rapidement oublier, n’offrant pas grand-chose à voir, même en bout de plateforme (photo à droite).
Pas de plaque à la gloire des élus au sommet du Revard réaménagé. Mais une signature au cœur de la plateforme de verre. Qui n’est pourtant, si on y réfléchit bien, qu’un simple balcon sans rien de bien extraordinaire.
UN LAC PAS PLUS PROCHE ET UN JARDIN ALPIN ?
A en croire l’Essor Savoyard, depuis les nouveaux pontons, le lac est plus proche de que jamais (sic). Et depuis leur 8 mètres de hauteur, on a une vue imprenable sur le jardin alpin. A lire de pareilles inepties, on se demande vraiment si le journaliste qui en est l’auteur est monté sur les pontons en question.
Voici un des pontons en question, pris en photo depuis l’ancienne gare du téléphérique. Le lac est à gauche, pas visible sur la photo. Il faut une sacrée dose de mauvaise foi pour dire que depuis les pontons, le lac est plus proche que jamais ! Car comme chacun peut le voir, en se promenant le long des barrières, on est plus proche du lac que quand on est sur les pontons. Or ce chemin panoramique existe depuis belle lurette.
Quant à la vue imprenable sur le jardin alpin, la photo ci-dessus en offre déjà un petit aperçu. Mais c’est encore plus saisissant vu depuis le ponton lui-même. En guise de jardin alpin, la vue porte sur un désert de terre façonné à coup de bulldozer, et dont quasiment toute forme de végétation est absente. Même les rochers calcaires aux formes étranges et typiques des reliefs karstiques ont disparus sous les coups des engins de chantier !
Il y aurait encore bien des choses à dire sur ces travaux. On se contentera de ce bref dialogue capté au sommet, sur la passerelle de verre, entre deux quidams. Le premier est visiblement un fervent défenseur des travaux en question. Le second, à entendre son accent chantant, est sans nul doute un visiteur venu de Provence.
- alors, qu’est-ce que tu en penses ?
- eh bé, c’est magnifique !
- oui, il y en a qui critiquent, mais parce qu’ils ne savent rien faire d’autre
- qui critiquent ? Mais un panorama comme ça, ça se critique pas, ça se regarde, ça se savoure, ça se déguste !
- je voulais dire qu’est-ce que tu penses des aménagements qu’on a fait, c’est bien non ?
Le second quidam prend un instant de réflexion, fronce les sourcils, puis lance
- quoi, les trucs en bois et les autres conneries ? Me fais pas caguer avec ces bêtises. Ca, c’est des conneries d’élus mégalos qui se croient obligés de s’occuper de tout. Y’a bien que des fadas pour aller aménager un square au sommet d’une montagne. Et ça a coûté combien ces cagades ?
Réponse embarrassée de son interlocuteur. D’autant plus mal à l’aise que les autres personnes autour n’ont pas perdu un mot de la conversation, et que la plupart affichent un sourire amusé qui semble traduire leur approbation.
- ben, en gros trois millions
- de francs ?
- non, d’euros
- oh peuchère, ils sont encore plus mégalos que ce que je pensais !
Eh oui, le panorama depuis le Revard est magnifique. Ce n'est pas une nouveauté. Il l’était avant. Il le sera encore après. Les trois millions dépensés n’y apportent rien de plus. Juste trois millions en moins dans les caisses de la collectivité. Pas grave. Pour les renflouer, il suffira d'augmenter les tarifs des cantines, ou d'étendre la zone de stationnement payant.