L’Eco des Pays de Savoie est un journal économique. Plutôt pas mal fait. Généralement, il traite de l’économie locale. Parle des entreprises, de leurs projets, de leurs dirigeants. Aussi n’est-ce pas sans surprise qcue les lecteurs de cet hebdomadaire ont pu découvrir, début octobre, en page 22, la photo en grand de Dominique Dord.
L’homme n’a pourtant rien d’un chef d’entreprise. Comme le rappelle fort bien l’Eco, le député-maire, qui vient d’avoir 52 ans ans, n’a pas loin de 30 années de carrière politique derrière lui. C’est donc avant tout un politicien professionnel.
Mais la surprise ne s’arrête pas là. Surtout pour qui s’intéresse un tant soit peu à l’actualité d’Aix les Bains, ou lit de temps à autre la presse locale ou les parutions municipales soit disant d’information. En effet, dans la longue interview (?) accordée par Dord au journal, sur les 16 questions, quasiment aucune n’a trait à l’économie. Ce qui est pourtant le crédo de l’Eco des Pays de Savoie. Et sa thématique habituelle. Pire, chacun peut reconnaitre dans les questions de cette interview (re-?) les habituelles et sempiternelles questions qui-ne-dérangent-pas, que les aixois peuvent lire à longueur d’année dans leurs journaux locaux. Avec les habituelles et sempiternelles réponses qui-vont-bien (façon de parler).
Bref, en lisant cette interview (re-re-?), on a vraiment le sentiment que le service com’ de Dord a tout préparé, questions et réponses, et que le journal économique des Pays de Savoie s’est contenté de faire … l’éc(h)o !
LES DEUX PILIERS DE L’ÉCONOMIE AIXOISE OUBLIÉS
Longtemps, l’économie aixoise a presque entièrement reposé sur le thermalisme. Dès son arrivée à la tête de la ville, en 2001, Dord a choisi de développer un second pilier, à savoir le tourisme. Un choix soit dit en passant assez sage. Il en effet plus facile de faire tenir quelque chose en équilibre sur deux piliers que sur un seul, si vous nous permettez cet image.
Or, bien étrangement, le tourisme est totalement absent des points abordés par l’Eco dans son interview (re-re-re-?). Quant au thermalisme, il mérite qu’on s’arrête un peu plus longuement sur le traitement que le journal lui a réservé. S’il pose, légitimement et fort à propos, la question de l’éventuel déremboursement des cures médicalisées, pour le reste soyons clairs, l’hebdomadaire n’a pas fait son boulot. Comment un journal qui se dit économique peut-il aborder la question des thermes d’Aix les Bains avec celui qui, dans les faits, a présidé à leur destinée depuis une décennie et a été à l’origine de tous les choix faits, sans aborder les aspects … économiques ? Impossible de ne pas demander à Dord comment il explique qu’en 10 ans, sous son égide, les thermes nationaux publics soient passés d’une fréquentation annuelle de plus de 35.000 curistes à une fréquentation de moins de 25.000. Pour un journal de la trempe de l’Eco, impossible a priori de ne pas questionner Dord sur les plus de 100 millions d’euros ainsi perdu pour l’économie aixoise. Impossible de ne pas aborder avec lui la question des centaines d’emplois perdus. Impossible de ne pas lui demander des explications sur le passage d’un résultat positif (en 2000 les thermes gagnaient encore de l’argent) à un déficit de plusieurs millions d’euros pas an. Impossible enfin de ne pas mettre sur le tapis le bradage de l’établissement thermal, de sa clientèle, des sources thermales, et de tout le patrimoine, à une société privée, pour seulement 3 millions d’euros. Sachant que ce patrimoine vaut au bas mot 50 millions, il y a là une anomalie économique qui n’aurait pas du échapper aux très sérieux journalistes de l’Eco.
Et pourtant, aucun de ces sujets n’a été abordé avec Dord. Silence radio complet. A l’instar de la presse locale, bien complaisante, l’Eco jette lui aussi un voile impudique sur toutes ces questions qui dérangent et qui pourrait nuire à l’image du député-maire. Il n’y aurait pourtant aucune intention de nuire. Mais juste intention de faire honnêtement le boulot. En posant les questions qui s’imposent. Il faut croire que c’était trop demander à l’Eco des Pays de Savoie.
Dans son article, la rédaction de ce journal a eu cette comparaison : « Aix Hebdo est à Dominique Dord ce que Marianne est à Nicolas Sarkozy ». C’est un rien flatteur. Et sans doute aussi très exagéré. Pour tout dire, on se demande même si l’Eco n’a pas confondu Aix Hebdo avec le Journal d’Aix les Bains. En tout cas, à la lecture de l’article sur Aix, on peut dire que l’Eco des Pays de Savoie est à Dord ce que les petits noirs étaient aux riches blancs dans les Etats-Unis des années 50 : des cireurs de pompe de première bourre !
UN PETIT COUP DE PUB
Surprise en ouvrant le n° de l’Eco des Pays de Savoie dans lequel figure l’article évoqué ci-dessus. Dès la 2ème page, on trouve une énorme publicité émanant de l’entreprise Millet. Important prestataire de la mairie d’Aix les Bains pour les espaces verts et autres aménagements paysagers. Le fait du hasard ? Si oui, il faut croire que ce dernier fait bien les choses. Car le dossier consacré à Aix les Bains est largement entrecoupé (quasiment une page de pub pour une page de rédactionnel !) par d’autres promotions de fidèles de la mairie aixoise : quelques promoteurs immobiliers bien sûr (l’immobilier c’est ce qui marche le mieux à Aix, enfin, pour les promoteurs), mais aussi le centre des congrès. Sans oublier l’incontournable Jean Lain.
Valvital n’est pas de la partie. Pas besoin pour la bienheureuse société de Bernard Riac de bourse délier pour se payer un espace publicitaire : le patron a le droit a une interview d’une page. Dans laquelle il affirme, entre autres, que la stratégie de privatisation est la bonne (sic).
Tiens donc. Il y aurait eu une stratégie de la privatisation ? Ah bon ? On nous a pourtant fait croire que la privatisation était simplement devenue inévitable, que c’était la seule solution, suite à un enchainement de circonstances aussi malencontreuses qu’involontaires. On s’était presque fait à cette idée. On s’y était pour ainsi dire résigné. Et patatras, voila Bernard Riac qui fiche tout en l’air en nous expliquant qu’en fait la privatisation relève d’une stratégie. Donc de choix voulus, réfléchis et décidés. Bigre, sacrée révélation non !? Enfin, façon de parler. Parce que cela fait plusieurs années que le Journal d’Aix les Bains et son prédécesseur papier, Aix’Aspérant, ont commencé à dénoncer ce qui était en train de se tramer aux thermes. Et qui a abouti, comme ces journaux l’avaient annoncé, à la faillite de l’établissement public et à sa privatisation.
A part ça, on comprend que la PDG de Valvital trouve que la stratégie de privatisation était la bonne. Grâce à elle, sa société double quasiment son chiffre d’affaires. Et surtout acquiert pour 3 petits millions d’euros les thermes Chevalley, les sources thermales et tout le patrimoine qui va avec. Mieux, elle va même maintenant revendre une partie de ce patrimoine à la collectivité ! Sans compter que ça fait plusieurs mois que ses services sont hébergés gratuitement sur plusieurs milliers de m² dans les anciens thermes, dans des locaux refaits à neuf grâce à l’argent des contribuables.
Il faudrait être un bien mauvais patron pour ne pas trouver que cette stratégie de la privatisation est la bonne pour … son entreprise. Pour les thermes et pour les collectivités publiques (dont la ville d’Aix et ses contribuables) qui ont injecté plusieurs dizaines de millions d’euros dans l’histoire, c’est une toute autre histoire.