Le 14 janvier dernier, l’association française des villes internet (si si, ça existe !) a décerné ses labels 2011. Pour sa première candidature, Aix les Bains a décroché un label @@. La municipalité, à l’origine de la candidature, s’est bien évidemment félicitée de cette labellisation qui, on cite, constitue d’après elle à la fois « une récompense pour la politique de la commune en matière de démocratisation des technologies de l’information et de la communication (T.I.C.) et de ses usages citoyens » et « une véritable reconnaissance pour l’engagement pris par la municipalité en matière de nouvelles technologies et récompense ainsi le travail de l’équipe municipale » (voir ci-dessous annonce mise en ligne sur le site de la mairie le 18 janvier).
Au-delà de cette autosatisfaction bien compréhensible et sans surprise, il convient cependant de replacer cette labellisation dans son contexte. C’est ce que nous vous proposons dans les lignes ci-dessous.
Comment obtenir le label « ville internet » ?
La labellisation est ouverte aux communes, mais aussi aux intercommunalités, ainsi qu’à des collectivités étrangères francophones. Pour prétendre à une labellisation, la collectivité doit déposer un dossier de candidature, qui repose entièrement sur une auto-évaluation de sa politique et de ses actions en faveur du développement de l’internet et des TIC. C’est sur la base de ce dossier, complété le cas échéant par une visite du ou des sites internet de la collectivité que le jury de l’association en charge du label se prononce. Pas de visite sur place, comme pour le label des villes fleuries. Et donc pas non plus d’entretien avec les élus, les services municipaux. Et a fortiori encore moins avec les habitants.
Un label qui ne mobilise pas
Depuis la création du label en 2000, ce sont en tout 2.258 candidatures qui ont été adressées à l’association des villes internet. Soit une moyenne de 205 candidatures par an. En gros moins de 0,5% des collectivités locales (communes et intercommunalités) de France. Visiblement ce label peine à mobiliser les élus et les communes. Il faut dire qu’en pratique il n’apporte pas vraiment grand-chose à la collectivité. Si on peut imaginer que des visiteurs puissent être attirés par un label de ville fleurie, en revanche on peine à croire que le label ville internet puisse faire de même. Et avec ou sans label, les services internet mis à disposition des habitants et les actions menées restent les mêmes. Reste donc la satisfaction (l’autosatisfaction) de la récompense pour les élus et les services municipaux. Et là, de toute évidence, il ne se trouve qu’une petite minorité d’élus pour partir à la quête de cette récompense.
Les critères de labellisation
Comme on l’a vu plus haut, le label s’obtient sur la base d’un dossier de candidature entièrement monté par la collectivité requérante. Le jury de l’association présuppose que toutes les informations qui y figurent sont vraies, et que toutes les déclarations d’actions ont été faites de bonne foi. Sans chercher à jeter le discrédit sur quoi que ce soit, avouez qu’il doit parfois être tentant d’en rajouter un peu, et d’enjoliver sur les bords. C’est d’autant plus tentant que les dossiers de candidature ne sont pas rendus publics. Impossible donc à qui que ce soit, et notamment aux habitants, de vérifier l’exactitude et la véracité des informations qui y sont portées.
Bref, c’est donc sur la base du dossier fourni par la collectivité requérante que le jury se prononce. L'objet de son évaluation est la politique globale d'une collectivité en matière d'internet citoyen. Le label n'est en aucun cas un « concours du plus beau site internet ». Trois grands axes sont étudiés :
- l'accès public aux TIC et à leurs usages : déploiement de points d'accès, qualité de l'accompagnement, implication des usagers
- l'administration au service du public : l'utilisation des TIC pour aller au-delà d'une dématérialisation simple et réorganiser le service public du point de vue de l'habitant
- la démocratie locale : les usages des outils numériques en réseaux pour accentuer la participation des habitants à la vie locale
Aix les Bains et son label @@
Aix les Bains a donc obtenu un label @@. Sachant que le label compte six degrés, de la simple mention au label @@@@@, on voit qu’Aix se situe dans la queue de peloton parmi les 303 villes ayant déposé un dossier en 2010 (pour l’obtention des labels 2011). A regarder les axes d’évaluation cités plus haut, on comprend sans trop de mal pourquoi. Car si un effort a été fait pour l’utilisation des TIC (le 2ème axe), avec la mise en place de plusieurs démarches en ligne (notamment pour l’état-civil), pour le reste, c’est beaucoup plus léger. Par exemple en matière de points d’accès publics, qui restent rarissimes. A ce jour, la ville ne compte par exemple aucun véritable EPN (Espace Public Numérique). Quant aux usages des outils numériques en réseaux pour accentuer la participation des habitants à la vie locale (le 3ème axe), leur valeur est une véritable récompense pour les mathématiciens arabes inventeurs du zéro : dans leurs tombes, ils ont ainsi la certitude de ne pas avoir travaillé pour rien.
Fait notoire, les 303 collectivités candidates aux labels 2011 se sont toutes vues décerner un label. 24 villes ont obtenus le label @@@@@. 28 ont eu un label @@@@, 108 un label @@@, 97 (dont Aix) un label @@ et 46 un label @. Aucune ville n’est repartie avec une simple mention. Ce qui confirme bien la position d’Aix les Bains : en queue de peloton !
Et maintenant ?
Il reste désormais à transformer l’essai. C'est-à-dire à ne pas s’endormir sur de bien maigres lauriers. Et à enclencher la surmultipliée pour faire en sorte que ce label ne soit pas un simple label d’opérette. Ce qui, soit dit en passant, n’a rien de surprenant dans une ville qui organise justement un festival d’opérettes. A suivre donc dans les prochaines années, histoire de voir comment tout ceci évolue, et si ce label est autre chose qu’un peu de poudre aux yeux.
D’ici là, on (re)glisse quelques idées à développer en matière d’internet citoyen, afin de favoriser l’accès à l’information mais aussi la participation des habitants à la vie de la cité et à sa gestion :
- mettre en ligne sur le site internet de la ville tous les dossiers d’enquêtes publiques, ainsi que les rapports, afin qu’ils soient accessibles à tout le monde et à toute heure
- mettre en place des forums de discussion sur le site de la ville
- donner un espace d’expression aux groupes d’élus sur le site de la ville
- publier sur le site de la ville le répertoire des documents administratifs (obligation légale que la ville ne respecte toujours pas) ainsi que les documents en question (dans l’actualité récente on pense par exemple au contrat de l’éclairage public et à ses nombreuses annexes, ainsi qu’à l’étude sur l’état actuel de notre éclairage public)
- permettre aux citoyens d’assister aux séances du conseil via internet, tant en direct qu’en différé (le contrat de développement du nouveau site internet de la ville le prévoyait, il suffit de le mettre en place)
- d’une façon plus générale, mettre à disposition du public, via internet, tout document ayant trait à la gestion de la ville ou tout simplement à la vie de la cité, comme cela se fait dans les pays nordiques