La société Valvital, dont le PDG est Bernard Riac, vient de s’offrir les thermes ex-publics d’Aix les Bains. Le montant de la transaction est tenu secret (bonjour la transparence). Mais d’après les informations qui circulent, Valvital aurait réalisé une bonne affaire. Et même une très bonne affaire. Nous y reviendrons en temps et en heure. Pour l’instant intéressons nous aux projets de Bernard Riac pour le thermalisme aixois.
Le premier projet concerne l’agrandissement de l’espace bien-être. Qui devrait se voir doté de 800 m² supplémentaires. Un pari somme toute osé. On sait quel cinglant échec a essuyé Dominique Dord avec son précédent « virage du bien-être ». Qui plus est, Valvital devra faire face sur Aix les Bains à une concurrence fort bien implantée. Qu’il s’agisse de la villa Marlioz, de l’hôtel Adelphia ou de nombreuses autres structures disposant de spas, espaces de remise en forme, piscines, hammams, saunas, et proposant les services qui vont avec. Attention également au phénomène de mode. Les spas sont en plein boum en ce moment. Le revers de la médaille, c’est que leur fréquentation en hausse induit des espaces de plus en plus surchargés. Peut-on encore parler de détente, quand on ne dispose guère que d’un m² dans la piscine, quand il faut faire la queue pour avoir le droit à quelques minutes de jets de massage, ou quand il faut se serrer comme des sardines en boîte dans un hammam ? A trop aller chercher les clients, les spas pourraient bien se retrouver un jour victimes de leur propre succès. Ou plus exactement de leur propre politique commerciale. Et puis, c’est bien connu : les modes, ça passe.
Second projet de Valvital : construire une résidence 3* intégrée aux thermes Chevalley. Rien de bien nouveau dans le monde du thermalisme. En tout cas dans celui du thermalisme orienté vers le bien-être plutôt que vers le médical. De nombreuses autres stations proposent déjà, certaines depuis longtemps, ce type de résidence, qui permet au curiste de vivre quasiment en vase clos au sein de l’établissement. L’idée n’est pas nouvelle à Aix. Sauf que les gestionnaires des défunts thermes nationaux ont préféré ne pas la développer. Sans doute un peu freinés par le lobby des hôteliers et des loueurs en meublés aixois. Lesquels ont forcément du souci à se faire. Quoi qu'en dise le PDG de Valvital, les 200 nouveaux appartements que Valvital projette de construire sur le site même de Chevalley vont forcément faire de la concurrence aux hébergeurs actuels. S’en trouvera-t-il certains pour regretter d’avoir un peu trop « vécu sur la bête » ? Autrement dit, avoir pris les curistes pour des vaches à lait, en leur louant au prix fort des hébergements où la qualité n’était pas forcément au rendez-vous.
Troisième projet : implanter à Aix et à court terme (d’ici un an ?) les services fonctionnels de Valvital (marketing, juridique, technique, informatique). L’idée de Bernard Riac est d’aménager la villa Chevalley. Avouez que c’est séduisant : de nouveaux emplois sur Aix doublés de la rénovation d’un élément du patrimoine aixois qui tombe en ruine (comme bien d’autres éléments de ce patrimoine d’ailleurs). Il faut néanmoins savoir rester prudent. Souvenons-nous en effet qu’en 2001, le fraichement élu nouveau maire d’Aix les Bains nous promettait monts et merveilles sur les prés du Bois Vidal, cédés au privé pour un prix dérisoire, avec promesse que bientôt s’y dresseraient un hôtel 3*, un centre de balnéothérapie, des restaurants, des commerces, des services … etc. Avec au bas mot 150 nouveaux emplois à la clé. 10 plus tard, rien de tout ceci ne s’est réalisé, et au lieu de 150 emplois en plus, le thermalisme aixois en a perdu plus de 300.
Dernier projet enfin, ou plus exactement dernier vœu de Bernard Riac : qu’Aix les Bains redevienne le premier établissement thermal de France. Vous noterez la subtilité de langage : ce n'est pas Aix qui doit redevenir la première station thermale de France. C’est bien l’établissement de Monsieur Riac qui doit gagner ce statut. Une formulation qui semble en dire long sur les intérêts que défendra en priorité le PDG de Valvital. Entre ceux de sa société, et ceux de la ville, son choix sera vite fait. Difficile de lui en tenir grief d’ailleurs. Il est le patron privé d’une société privée, on ne voit pas pourquoi il devrait se soucier d’autre chose. S’il y a des griefs à formuler, il faut plutôt les adresser à ceux qui ont permis, ou qui ont tout fait pour que les thermes publics soient privatisés.
Pour que son établissement devienne le premier de France, Bernard Riac entend lui faire passer la barre des 30.000 curistes par an. Voila une annonce qui risque de sonner creux, tant elle traduit un projet manquant totalement d’ambition. Le temps où Dominique Dord promettait aux aixois de faire venir plus de 40.000 curistes par an dans la ville est-il donc si lointain ? Non, c’était hier encore. Alors franchement, Monsieur Riac, 30.000 curistes, ce n’est pas sérieux. En affichant une telle ambition, vous faites sombrer le député-maire de la ville dans le ridicule le plus complet. Ce qui n’est pas très sport vis-à-vis d’un homme à qui vous devez en grande partie d’avoir pu vous offrir les thermes aixois. Ajoutons qu’avec 30.000 curistes, Aix ne serait pas la première station française. Mais la 3ème, derrière Dax et Balaruc.
Et puisqu’on parle de Balaruc, reposons une fois de plus la question qui fâche. Pourquoi ce qui a été possible dans cette modeste commune (maintien et même développement d’un thermalisme public) ne l’a-t-il pas été à Aix les Bains ? Ou plus exactement, qui a fait que cela ne soit pas possible ?
Le plus surprenant, c’est que tout le monde connait la réponse à cette question, mais que tout le monde ou presque s’en moque. Et c’est ainsi que, dans l’indifférence quasi générale, le plus bel établissement thermal d’Europe (dixit Dominique Dord), ses terrains, ses parkings, ses sources, sa blanchisserie, ses parcs, ses curistes, son chiffre d’affaire … etc, tous achetés, entretenus, rénovés sur fonds publics, viennent d’être cédés pour pas grand-chose à une société privée.