Quelques jours après la 9ème édition du festival rock aixois, il nous a semblé opportun de poser la question : quel avenir pour Musilac ? L’interrogation ne portant pas sur la tenue d’une prochaine édition en 2011, ni dans les années à venir, mais plutôt sur la façon de gérer ce festival.
Musilac est aujourd’hui incontestablement installé dans le paysage estival d’Aix les Bains. Cela ne signifie pas pour autant qu’il fasse l’unanimité. Loin s’en faut. Les nuisances sonores et le bouclage des bords du lac font grincer des dents bon nombre d’aixois, riverains du secteur ou pas. Légitimement nous semble-t-il. Mais ce qui heurte sans doute encore plus, c’est l’opacité qui entoure les aspects financiers du festival. Car si ce dernier est organisé par une société privée, l’argent public n’en n’est pas pour autant étranger.
Sous forme de subventions d’abord. Principalement versées par la ville d’Aix les Bains au travers de son office du tourisme. Sous forme de services ensuite. Là encore la ville d’Aix les Bains est au premier rang : sécurité, eau, électricité, communication, mise à disposition de terrains … etc. Au final, bien malin qui pourrait dire ce que le festival coûte à la ville, et ce qu’il lui rapporte, que ce soit en contribution directe de la part des organisateurs ou en retombées économiques et touristiques, pour lesquelles aucun outil sérieux de mesure n’est en place.
Face à une telle nébuleuse, et eu égard au succès rencontré par cet évènement, qui brasse des euros par millions, une véritable transparence financière apparaît plus que jamais nécessaire. Ceci afin de s’assurer, notamment, que chaque euro d’argent public dépensé l’est de façon utile et légitime, selon le souhait même de notre président de la république. Or une telle transparence ne peut s’obtenir au travers d’une organisation privée, dont les comptes sont par nature eux aussi privés, et ne peuvent donc faire l’objet d’aucune forme de contrôle de la part de la collectivité. Bon nombre de festivals estivaux, et non des moindres, sont gérés au travers de structures publiques. C’est par exemple le cas de celui des Vieilles Charrues en Bretagne, qui, depuis 19 ans, est géré et organisé par une association. Ce qui ne l’empêche pas d’accueillir par loin de 200.000 spectateurs chaque année (4 fois plus que Musilac).
Dans un autre registre musical, le festival Jazz à Vienne (100.000 spectateurs) a lui aussi été géré en association pendant 30 ans. En 2011, sa gestion sera assurée au travers d’un EPIC (établissement public à caractère industriel et commercial). Si cette forme de structure est plus proche de la société de droit privé que de l’association, elle n’en demeure pas moins une structure publique1, sur laquelle les élus et les citoyens peuvent exercer un droit de contrôle et de regard. Enfin, en théorie, car avec son office du tourisme, qui est un EPIC, Aix les Bains démontre qu’il est aussi possible de faire dans l’opacité la plus totale s’agissant de la gestion et des comptes d’une telle structure. Laquelle intervient directement, et à hauteur de plusieurs centaines de milliers d’euros chaque année, dans le financement du Musilac. Sans que l’on parvienne à savoir à combien se monte précisément le montant de cette participation. Si le chiffre de 300 à 400.000 euros annuels est souvent évoqué, Thubaut Guigue, élu aixois d’opposition, a récemment indiqué avoir en sa possession des documents comptables faisant état de 800.000 euros de dépenses annuelles de l’OT pour Musilac. Quand on vous dit qu’on nage en pleine opacité !
Pour autant, ce n’est pas la structure EPIC qui est en cause, mais bien l’usage peu conforme à l’esprit (et aussi à la loi) qui en est fait.
Quoi qu’il en soit, la question se pose : les aixois peuvent-ils continuer à laisser une ou des sociétés privées gérer Musilac en bénéficiant de financements et de services publics sur lesquels les citoyens n’ont pas droit de regard ? La réponse semble évidente. Et elle est négative. Ce n’est pas une question de suspicion maladive. C’est une simple question de bon sens. Surtout en ces temps de crise ou les services publics doivent se serrer la ceinture et rendre compte du moindre euro dépensé. Il est impensable que l’on laisse ainsi plusieurs de centaines de milliers d’euros (et peut-être plus) dans la nature, échappant à tout contrôle.
C’est impensable, mais c’est pourtant ce qui risque fort d’être à nouveau le cas en 2011, en 2012 … etc. Car visiblement, la majorité municipale n’y trouve rien à redire. Pour ses élus, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Il est vrai que ces mêmes élus ne trouvaient rien à redire au fait de faire payer par la ville chaque place de parking du boulevard Wilson plus de 170.000 euros (projet de 2008). Et ce n’est qu’un exemple parmi d’autres. Ce qui nous donne une idée : et si on demandait à ces élus de verser 10% de leurs revenus à une structure qui serait en charge de l’organisation d’un évènement quelconque, et sur laquelle il n’aurait aucun droit de regard. Ils refuseraient bien évidemment. Ce qui ramène à cette sempiternelle question : pourquoi des élus acceptent-ils de faire avec l’argent public ce qu’ils n’envisageraient même pas une seule seconde avec leur propre argent ? Question qui n’a, hélas, rien de spécifique à Aix les Bains, mais qui résonne peut-être plus fort qu’ailleurs dans la cité bientôt ex-thermale du 21ème siècle.
1 Un EPIC se définit comme une personne publique ayant pour but la gestion d'une activité de service public. Une personne publique étant ici non pas une quelconque vedette du show business, mais une personne morale de droit public.