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16 août 2011 2 16 /08 /août /2011 07:45

CartePostaleTelepherique.jpg

Mes très chers parents,

 

Le temps passe. Le mauvais temps aussi d’ailleurs. Voila maintenant plusieurs jours que je n’ai pas pris le temps de vous écrire. Je suis impardonnable. Car on ne peut pas dire que mon séjour sur les rives du lac du Bourget soit trépidant. Cela ne me dérange point au demeurant. Vous savez que je suis plus une adepte des vacances calmes et reposantes que des congés vécus à cent à l’heure. J’ai trouvé à Aix les Bains le cadre parfait pour cela. Ici je peux prendre mon temps, loin de la trépidation parisienne. Parfois je me prends un peu pour Lamartine, en contemplant le lac. D’ailleurs il faudra que j’aille un jour sur le site d’où le poète posait son regard sur le lac.

 

En attendant, ces derniers jours, c’est une toute autre excursion que je me suis offerte. Quelque chose d’un peu plus sportif. Mon hôtelier, un homme charmant qui plairait beaucoup à maman, a eu la gentillesse de me déposer en voiture à l’ancienne gare du téléphérique qui montait jadis jusqu’au sommet du Revard. Comme vous pouvez le voir, ce qui reste du bâtiment est en bien piteux état. Quelle tristesse de voir ainsi cet objet du patrimoine de la ville laissé dans cet état d’abandon. C’est d’autant moins compréhensible qu’il a été racheté par l’agglomération il y a quelques années. Quand on voit son état actuel, on se demande bien pourquoi faire, et ce que les décideurs de l’époque avaient en tête en procédant à cette acquisition.

 

En chemin, Monsieur Paul (c’est mon hôtelier, mais je vous rassure, sa conduite est bien plus prudente que celle du Monsieur Paul du tunnel de l’Alma) m’a expliqué qu’une association locale militait depuis plus de dix ans pour la remise en service de l’ancien chemin de fer à crémaillère qui desservait lui aussi le Revard, depuis le centre même d’Aix les Bains. Lui serait plus favorable à une remise en service du téléphérique, qui coûterait moins cher. Et qui permettrait aussi de sauver ce bâtiment dont on devine, malgré son état actuel de ruine, qu’il n’est pas dénué de charme.

 

Enfin bref, depuis cette ancienne gare, je me suis donc rendue à pied jusqu’au sommet du Revard. J’aime autant vous dire que la pente est parfois rude. Mais quel plaisir de respirer cet air pur et frais. Quelle joie de découvrir de ci de là un panorama grandiose sur le lac et les montagnes environnantes. Quel délice de déguster un bon morceau de tomme ou de chevrotin dans une ferme du plateau. Et quel régal de savourer un Vichy-fraise bien frais confortablement installée à la terrasse du restaurant situé tout au sommet, dans ce qui fut autrefois la gare d’arrivée du téléphérique. Mais quel dommage que le plaisir soit un peu gâché par de récents aménagements réalisés précisément sur ce sommet. Les dépliants touristiques vantent le lieu comme étant le deuxième site naturel le plus visité de Savoie. Ma foi, de ce que j’ai vu, je ne sais pas très bien où est le naturel dans tout cela. Des allées toutes droites. Des arbustes plantés bien alignés. Des barrières en bois mais surmontées de grillages métalliques du plus mauvais goût. La nature a de biens curieuses mœurs par ici. A ce que m’ont dit des personnes dignes de confiance, nombre de matériaux utilisés dans ce chantier « naturel » ont même été approvisionnés depuis fort loin : depuis l’Inde et même la Chine !

 

Je n’ai pas pu hélas garder une trace de mon passage en ces lieux. A force de me laisser vivre tranquillement, j’avais oublié de recharger la batterie de mon appareil photo, qui a rendu l’âme à mi-pente. Ce n’est que partie remise. Monsieur Paul m’a promis que nous remonterions au Revard pour y ramasser des baies sauvages. Il parait que le plateau regorge de framboises, de myrtilles et d’airelles. Nous sommes déjà convenus ensemble de remonter jusqu’au sommet pour que je puisse prendre des photos. Et aussi pour que je puisse l’inviter à diner pour le remercier de sa gentillesse et de son accueil. En tout bien tout honneur, n’allez rien vous imaginer, son épouse et sa fille devant nous accompagner.

 

A propos de gentillesse, je ne pense pas vous avoir déjà dit qu’ici les gens sont généralement charmants. Et accueillants. J’ai beau n’être qu’une touriste, une pièce rapportée, à aucun moment je n’ai eu la désagréable impression d’être perçue comme un simple porte-monnaie dont il faudrait vider le contenu. Ce qui m’est arrivé plus d’une fois dans mes pérégrinations estivales dans notre cher pays. Il règne ici un certain art de vivre. Peut-être un peu désuet, mais tellement agréable. Il est à craindre, hélas, qu’il ne perdure plus très longtemps. Car d’aucuns, sous prétexte de faire plus jeune et plus dynamique, sont en train de le mettre à mal. Vous verriez la rue principale, qui fait la grande fierté du maire, elle regorge de ces enseignes franchisées qu’on trouve partout ailleurs en France, et il y a une agence immobilière à presque tous les coins de rue. On dirait que se joue ici une grande partie de Monopoly. Et si ça continue sur le rythme actuel, il faut redouter que d’ici quelques années tout au plus, il ne reste plus grand-chose de ce charme certes un peu d’antan, mais aussi tellement d’actualité, et tellement apprécié.

 

Vous ai-je dit que l’homme qui officie au poste de maire depuis plus de 10 ans maintenant ne réside toujours pas à Aix les Bains ? Je ne sais plus. Mais je trouve cela très choquant. Je me souviens de ce que disait papa du temps où il était élu. Quand on veut être maire d’une ville ou d’un village, on doit y habiter. Sinon on n’est rien d’autre qu’un carriériste. Ses propos prennent ici tout leur sens me semble-t-il.

 

Voila pour toutes les nouvelles de ces derniers jours. J’espère que vous vous portez bien.

 

Je vous embrasse affectueusement.

 

Votre fille.

 

EDITH

 

 

Post-scriptum : j’ai fait lire cette lettre à Monsieur Paul avant de vous la poster. Il m’a complimenté pour mon style, et m’a dit qu’il avait le même genre de charme désuet que sa ville d’Aix les Bains qu’il aime tant. Je crois que j’ai un peu rougie tant le compliment était bien tourné. J’espère qu’il ne cachait aucune mauvaise intention. Même à Aix les Bains, l’été est si propice aux rencontres amoureuses fugaces.

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2 août 2011 2 02 /08 /août /2011 07:45

CartePostaleSoleil.jpg

 

Mes biens chers parents,

 

Jamais Ô grand jamais je n’aurais cru avoir un jour autant de plaisir à prononcer cette simple phrase : il fait beau ! Cela fait maintenant quelques jours que le beau temps est revenu ici à Aix les Bains, et que les températures permettent enfin d’adopter une tenue estivale. Dimanche dernier en me levant et en découvrant un ciel d’azur, j’ai failli entonner un alléluia. C’est vous dire si le soleil était attendu avec impatience. En découvrant notre astre du jour luisant de tous ses rayons dans le soleil matinal, je me suis fait l’impression d’être un enfant Inuit qui serait né au début de la nuit polaire et qui quelques mois plus tard découvrirait la chaleur du soleil pour la première fois.

 

Fini donc le mois de juillet. Ses journées maussades, ses plages désertes, ses averses, ses pédalos qui restent à quai, ses températures à laisser les maillots de bain au placard. Voici venir août et sa canicule. Vous verrez que d’ici quelques jours, si celle-ci s’installe, aixois et touristes ne manqueront pas de râler qu’il fait trop chaud. Les gens ne sont jamais contents. En tout cas les commerçants et professionnels du tourisme commencent à retrouver un semblant de sourire. Pas facile après avoir raté la moitié de la saison estivale. J’ai sympathisé avec une charmante personne qui tient un chalet sur les bords du lac, où elle propose boissons, glaces et petite restauration. On a eu beaucoup de temps pour discuter ces dernières semaines. Et pour cause, j’étais quasiment sa seule cliente. Elle peste contre le mauvais temps de juillet. Et encore plus contre le beau temps qui a régné durant les trois jours du festival rock Musilac. Impossible pour elle de travailler à cette période. Les festivaliers sont prisonniers dans l’enceinte du festival et ne consomment pas à l’extérieur. Et les autres touristes ne viennent pas à cause du bruit. Encore trois jours de perdus en plus ! Un de ses collègues vient nous rejoindre de temps en temps pour discuter. Lui est amer. Il a bêtement (c’est lui qui le dit) suivi la ligne de la municipalité qui voulait développer le tourisme au détriment du thermalisme qui, comme vous le savez, a été pendant des décennies le moteur de l’économie locale. Il a donc abandonné la gestion de la plupart de ses meublés pour curistes pour prendre lui aussi un chalet sur les bords du lac. Il est bien obligé de constater aujourd’hui que, malgré le déclin des thermes, l’affaire des meublés était quand même plus sûre.

 

Ils sont amusants ces aixois. On dirait qu’ils découvrent que l’industrie touristique est dépendante des aléas du temps et des caprices de la météo. Il faut dire qu’ils ont dans leur mairie quelques zozos pas piqués des hannetons, et qui jouent aux grands sorciers sioux. Et que je te fais la danse de la pluie, ou celle du soleil, ou encore celle de la neige. Mon amie des bords du lac m’a montré force coupures de la presse locale, où l’on voit tel ou tel adjoint annoncer que la saison sera bonne, que le soleil sera de la partie, ou encore que la neige tombera en abondance et tiendra jusqu’en avril. C’est, passez moi l’expression, à tomber par terre.

 

Enfin, ce mois de juillet bien maussade me fait prendre conscience que j’ai bien de la chance de travailler dans l’éducation nationale et de bénéficier de deux mois de congés en été. Grâce à ça, je devrais pouvoir me rattraper en août en profitant du beau temps qui semble s’annoncer. Tout le monde ne peut pas en dire autant. Mon amie Anne-Caroline m’a écrit de Paris à son retour de vacances. Trois semaines sur la côte atlantique presque toujours sous les nuages et la pluie. Avec du vent en prime. Très philosophe, elle me dit que comme ça, elle a déjà un maillot de bain neuf pour l’été prochain. A moins qu’elle ne le sorte pour ses deux semaines de vacances d’hiver. Avec cette météo déréglée, il faut s’attendre à tout. Je me demande si le projet du gouvernement d’étaler les congés scolaires d’été en trois zones de un mois chacune arrivera à passer. J’entends déjà la levée de bouclier de mes collègues : « Oui, tu comprends, moi il me faut bien deux semaines pour arriver à prendre le rythme des vacances, et autant pour en sortir. Alors si je n’ai plus qu’un mois en été, c’est comme si je n’avais pas de vacances ». J’en ai parlé avec mon amie des bords du lac. Poliment, elle a simplement pouffé. Pour ne pas me froisser sans doute car elle sait ce que je fais comme métier. Mais j’ai bien senti qu’intérieurement, elle bouillait. C’était plutôt agréable d’ailleurs. Ca réchauffait un peu le fond de l’air qui était aussi froid et humide que la truffe de notre regretté Médor.

 

Aujourd’hui, je me lance dans une grande aventure. Je vais tenter d’aller me baigner dans le lac. Cela fait plus de trois semaines que j’attends de pouvoir le faire. J’espère que l’eau ne sera pas trop froide. Il parait qu’en été, les eaux du lac du Bourget sont à 25°C et que personne ne le sait. C’est le grand sorcier en chef de la mairie qui l’a dit. Eh bien je peux lui répondre que cette année, l’eau est bien loin d’atteindre une température aussi agréable, et que tout le monde le sait !

 

Je vous embrasse bien tendrement.

 

Votre dévouée fille.

 

 

Edith

 

Post-scriptum : j’espère qu’au moment où vous recevrez cette carte, le soleil sera bien toujours de la partie. Et que la plage sera moins déserte que sur la photo de ma carte postale. A la longue, ça en devient déprimant.

 

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19 juillet 2011 2 19 /07 /juillet /2011 07:45

CartePostaleDameMusique.jpg

 

Mes très chers parents.

 

Saviez-vous qu’Aix les Bains avait un passé historique qui remonte au moins à la Rome antique ? De ci de là, on trouve encore en ville quelques vestiges de cette époque. Allez savoir pourquoi, mais cela m’a fait penser au temps de mon enfance, quand je dévorais en cachette les aventures d’Astérix et Obélix, les deux valeureux gaulois. Je n’ai pas le souvenir qu’une de leurs aventures les ait un jour amenés à passer par Aix les Bains. Ah ce cher Obélix ! Petite fille, il me faisait penser à l’oncle Gontrand. Vous savez, celui qui a malencontreusement étouffé son petit dernier en s’asseyant dessus par mégarde. Il faut dire qu’à l’instar du compagnon d’Astérix, le tonton Gontrand avait lui aussi un sacré coup de fourchette. Et qu’il aurait pu servir de mesure étalon pour le quintal. Bref, en me remémorant ces doux instants de ma jeunesse enfuie, je me suis rappeler qu’une expression revenait souvent dans la bouche de mes deux héros gaulois : « ils sont fous ces romains !».

 

Deux millénaires plus tard, je me dis que l’expression est toujours d’actualité. A condition de la revisiter un peu. Et de la transformer en « ils sont fous ces aixois ! ». Imaginez un peu. Dans leur hôpital, le service de chirurgie a fermé ses portes au début de la décennie. Alors même que le bloc opératoire venait d’être entièrement rénové à grands frais. C’est à peine s’il y a eu des protestations. Même chose ou presque quand la maternité a fermé l’année dernière. Entre temps le tribunal d’instance était lui aussi parti voir ailleurs s’il y était. Les bords du lac sont massacrés à grand renfort de béton. En dix ans, le thermalisme s’est totalement effondré. Aboutissant au bradage à très petit prix de l’établissement thermal et de toutes ses dépendances. Bref, Aix les Bains enfile les échecs comme d’autres enfilent les perles, la municipalité ne cesse de parler de renaissance et autre renouveau, et personne ou presque ne semble trouver quoi que ce soit à redire à tout ceci. C’est pour tout dire à peine croyable. Jamais je n’avais vu une telle apathie. A part peut-être chez mon cousin Jean-Michel. Vous savez, celui qui travaille à la télé sur Canal+.

 

Pourtant, les aixois ne sont pas totalement amorphes. Ils sont capables de réaction, d’indignation, de colère. J’en veux pour preuve l’abondant courrier reçu par le quotidien local à propos de l’installation d’une statue (celle en photo sur ma carte postale) dans le centre ville. Mazette, voila un sujet qui fait débat. Et même polémique. Pour ou contre, tout le monde a son avis et ne se gêne pas pour le donner.

 

Curieuses mœurs. Des pans entiers de leurs services publics ou de leur économie s’effondrent et les aixois ne pipent pas mot. Mieux, ils continuent de boire les paroles du maire et de ses adjoints comme du petit lait. Mais qu’on installe une statue d’art contemporain en ville et là ils s’enflamment ! Je vous le disais, ils sont fous ces aixois !

 

Je vous embrasse bien fort.

 

Votre dévouée fille.

 

Edith

 

 

Post scriptum : la statue en question s’appelle La Dame à la Musique. C’est une dame aux formes généreuses, allongée, dont le bras se prolonge en une lyre. Moi j’aime assez. Peut-être parce que, par les formes et le volume, elle me rappelle un peu tante Fernande, l’épouse de mon tonton Gontrand. Paix à leurs âmes.

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18 juillet 2011 1 18 /07 /juillet /2011 07:45

CartePostaleMusilac.jpg

 

Très chers parents,

 

Quatre jours se sont écoulés depuis ma dernière carte postale. J’espère que vous ne m’en voulez pas trop de ce silence prolongé, qui contribue de plus au désœuvrement des facteurs qui n’ont plus de courrier à porter. Je m’en vais de ce pas vous donner l’explication de mon silence. Figurez-vous que de jeudi à samedi toute la ville a résonné des sons d’une musique barbare qu’on appelle rock. Ils étaient des dizaines de milliers d’adeptes à s’agglutiner sur les bords du lac pour venir l’écouter. Mais le vacarme était tel qu’il m’a été impossible de fermer l’œil avant 3 heures du matin. J’ai beau eu me boucher les oreilles aves les doigts, rien n’y a fait. Et comme vous pouvez l’imaginez, ce n’est pas facile d’écrire même une simple carte postale quand on a les doigts dans les oreilles !

 

Et pour ce qui est de dimanche, je l’ai passé à rattraper mes heures de sommeil en retard. Mais non sans aller assister à la messe en l’église Notre-Dame. Où j’ai prié pour le salut des ces pauvres pêcheurs. Et aussi pour leurs tympans, qui me paraissent bien plus en danger que leurs âmes.

 

Voila, vous savez tout. Je sais que vous me pardonnerez ce silence de quelques jours, bien indépendant de ma volonté.

 

Bien affectueusement.

 

Votre fille.

 

Edith

 

 

Post scriptum : Rassurez-vous, je me suis soigneusement lavé les oreilles avant de les boucher avec mes doigts. Et réciproquement.

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14 juillet 2011 4 14 /07 /juillet /2011 07:45

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Mes chers parents,

 

J’ai longtemps hésité avant de vous poster cette carte. Car je crains que sa lecture ne provoque un important choc. Aussi vous prierais-je bien respectueusement de prendre le soin de vous installer confortablement avant d’en poursuivre la lecture. Vous qui avez travaillé tout votre vie pour arriver à vous payer votre modeste pavillon de banlieue, qui vous a tout de même coûté pas loin de 500 000 euros, vous serez sans doute surpris de connaître le prix de ce bel édifice qui est en photo sur ma carte. Comme j’aime ménager mes effets, je vais d’abord vous en dire un peu plus sur lui, avant de vous dévoiler son prix.

 

Il s’agit des thermes Chevalley. Qui occupent plusieurs dizaines de milliers de mètres carrés, sur quelques hectares de terrains dominant la ville. L’esplanade est magnifique avec ses bassins et ses fontaines, et offre une vue splendide. En sous-sol, il y a trois niveaux de parking. De quoi garer plusieurs centaines de voitures. A l’intérieur des bâtiments, outre les thermes traditionnels, on trouve une piscine, des saunas, des hammams. La piscine donne même sur un bassin extérieur où on peut nager en toutes saisons grâce à la température de l’eau thermale. Ce qu’on ne voit pas sur la photo, c’est que la propriété compte aussi un parking attenant, pour plusieurs centaines de voitures. Ainsi qu’un magnifique parc de plusieurs milliers de mètres carrés en plein centre ville. Ainsi que les sources thermales. Et ainsi qu’une blanchisserie industrielle grande comme au moins quatre fois celle que vous teniez avant de prendre votre retraite. Et peut-être oublie-je encore d’autres menus détails.

 

Figurez-vous que tout ceci a été récemment vendu à des investisseurs privés. Pour la modique somme de seulement trois millions d’euros. J’en suis restée bouche bée en l’apprenant. Quand je pense que de votre côté c’est près d’un demi-million que vous avez du débourser pour votre modeste pavillon et ses cinq cents mètres de terrain. Je sais bien qu’il est situé assez proche de Paris, mais tout de même ! Pardonnez ma grossièreté, mais je ne peux m’empêcher de penser que vous vous êtes faits avoir jusqu’au trognon. Je vous laisse imaginer quelle magnifique et grandiose demeure de standing vous auriez pu vous offrir dans cette ville avec votre demi-million. Enfin c’est ce que l’on peut supputer en voyant le prix auquel les thermes Chevalley ont été vendus. En faisant une simple règle de trois, on peut penser que vous habiteriez aujourd’hui dans une maison d’au moins 5 000 mètres carrés, avec piscine, sauna, hammam, et un garage tellement grand qu’il faudrait sans nul doute prendre un vélo pour aller chercher la voiture.

 

J’espère que le choc n’a pas été trop violent. Pour ma part, j’ai pris la décision de prospecter plus en avant sur cette ville. Dès demain je m’en vais faire le tour des agences immobilières. Car il y a visiblement de très bonnes affaires à réaliser ici. J’ai fait un rapide calcul, et rien qu’avec les modestes économies de mon Codevi et de mon Livret A, je devrais pouvoir m’offrir un confortable appartement d’au moins trois pièces, avec cave, garage, et une grande terrasse pour admirer la vue. Je vous tiendrais au courant du résultat de mes recherches.

 

Je vous embrasse tous les deux.

 

Votre dévouée fille.

 

Edith

 

 

Post scriptum : en redescendant des thermes Chevalley, j’ai repéré le petit château dont j’ai collé la photo sur ma carte postale. Il est idéalement situé en plein cœur de la ville, juste à côté du grand parc arboré dont je vous ai parlé plus haut. Vu les prix de l’immobilier par ici, je suis sûr qu’en revendant votre pavillon, vous pourriez vous l’offrir. Oh dites oui chers parents ! J’ai toujours eu tellement envie de devenir châtelaine !

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12 juillet 2011 2 12 /07 /juillet /2011 07:45

CartePostaleGareBis.jpg

 

Mes biens chers parents,

 

Voici comme promis hier la suite de mes aventures de touriste en cette bonne ville d’Aix les Bains. J’étais encore sous le coup de ma bien curieuse rencontre sur le quai de la gare, et je n’ai pas vraiment eu le temps de m’en remettre. Car aussitôt sortie de la gare, ce fut le choc ! Comme vous le savez, je m’étais beaucoup documentée sur la ville avant d’entreprendre ce voyage. Les parutions municipales que j’avais parcourues attentivement me laissaient entrevoir monts et merveilles dès ma sortie de la gare. Mazette, quel choc, quelle déception ! J’ai commencé par tomber nez à nez avec des trucs dont il est bien difficile de dire au premier coup d’œil à quoi ils servent ni même ce qu’ils sont. Pour tout vous dire, même après un deuxième, un troisième, un quatrième coup d’œil, je restais totalement perplexe. Qu’était-ce donc que cela ? J’hésitais entre des urinoirs pour messieurs et un abribus dont des ouvriers peu consciencieux auraient omis d’assembler les flancs et le dessus.

 

Il parait en fait que ce sont des fontaines à la gloire de Lamartine. Dieu qu’elles sont hideuses ! Le pauvre poète doit s’en retourner dans sa tombe. Au moins ça lui évitera d'attraper des escarres. Et puis un peu d’activité physique ne fait de mal à personne. Pas plus aux morts qu’aux vivants. D'autant que pour les premiers, l’éternité, c’est long. Surtout vers la fin.

 

Après être restée plusieurs minutes pantoise devant ces chefs d’œuvre qui mettent le bon goût en péril, je suis partie à pieds vers mon hôtel. Bien mal m’en a pris. J'ai en effet du passer devant un autre chef d’œuvre de la décoration aixoise. Il est en photo en médaillon sur ma carte postale. Ca ne se voit pas au premier coup d’œil, mais l’objet en question est installé non pas sur un trottoir, mais sur la place Milena. Du nom d’une commune de Sicile avec laquelle Aix-les-Bains est jumelée. Et avec laquelle elle entretient parait-il des relations très étroites. Je vous avoue qu’en voyant ces quelques mètres carrés pompeusement baptisés du nom de place et ce monument au goût funéraire plus que douteux, j’ai eu un peu de mal à croire à la réalité de ces bonnes relations. Le moins qu’on puisse dire, c’est que les aixois ne se sont pas foulés la rate pour rendre hommage à leurs jumeaux siciliens.

 

Je vous laisse sur ces entrefaites, non sans vous dire à très bientôt pour une prochaine carte postale.

 

Je vous embrasse bien fort tous les deux.

 

Votre bienaimée fille.

 

Edith

 

 

Post scriptum : je remercie Maman pour ses précieux conseils sur la façon de soigner les entorses et autres foulures. Je m’en suis fait une belle dans un des nombreux trous qui jonchent la chaussée aux abords de la gare, pourtant refaits à neuf il y a seulement quelques années. Il y en a tellement qu’on croirait qu’à l’instar des hindous qui vénèrent les vaches, les aixois vénèrent eux les poules. Au point de leur ménager des nids dans leurs routes et dans leurs trottoirs. Les mœurs de cette ville sont décidément bien curieuses. Je sens que je vais m’y plaire.

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11 juillet 2011 1 11 /07 /juillet /2011 07:45

Voici la première carte postale expédiée depuis Aix. D'autres suivront bientôt, jusqu'à la rentrée.

 

CartePostaleGare.jpg

 

Mes biens chers parents,

 

Depuis plusieurs semaines déjà je me languissais de pouvoir enfin contempler ce magnifique paysage du lac du Bourget, presque tel que le contemplait déjà Lamartine (le poète, pas la fille de vos voisins les Rougerie). Et puis voila, c’est fait. Suis bien arrivée en gare d’Aix les Bains le Revard hier au soir. Où j’ai fait une bien curieuse rencontre, avec un individu pour le moins singulier. Figurez-vous que, comme je lui demandais mon chemin pour sortir de la gare, il m’a répondu cette bien étrange chose : « Alors là ma petite demoiselle, je vous arrête tout de suite. Vous n’y êtes pas. Mais alors pas du tout. Il ne saurait y avoir de chemin pour sortir de la gare. Pour la bonne et simple raison que ceci n’est pas une gare. Ceci, mademoiselle, c’est le haut lieu du train à Aix les Bains. Je vous saurais gré de ne point confondre ».

 

Et sur ces entrefaites, il m’a plantée là comme deux rangs de carottes, me laissant seule avec mes valises et ma perplexité. Je me suis dit que si les villages ont leurs idiots, les villes peuvent tout aussi bien avoir le droit elles aussi à leurs lots de farfelus. J’en étais là de mes réflexions quant un second individu, qui avait assisté à la scène, est venu gentiment se proposer pour m’aider à porter mes valises. Et il m’a rassurée en me disant que l’énergumène n’était ni méchant ni dangereux. Mais qu’il avait juste un peu la folie des grandeurs et un sens démesuré de la formule alambiquée. Quelle n’a pas été ma stupeur quand j’ai appris plus tard à mon hôtel que le farfelu en question n’était autre que le 1er adjoint de la ville. Et qu’il poussait la fantaisie à écrire comme il m’avait parlé dans sa lettre à ses administrés.

 

Voila un séjour qui commence de la plus singulière des façons. Et ce n’est pas pour me déplaire. Je vous embrasse bien fort et je vous écrirais à nouveau dès demain pour vous conter la suite de mes aventures aixoises. Lesquelles se sont poursuivies dès ma sortie de la gare. Pardon, dès ma sortie du haut lieu du train à Aix les Bains.

 

Bien à vous.

 

Votre dévouée fille.

 

Edith

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