Mais que se passe-t-il donc dans le petit monde des commerçants aixois ? Un petit monde d’ordinaire si discret, sans jamais un mot plus haut que l’autre. Sauf peut-être pour dire le plus grand bien de la municipalité. Et puis voila que soudain, sans crier gare, quelques commerçants du centre ville convoquent la presse et dénoncent une discrimination dont ils seraient victimes. Et poussent le bouchon jusqu’à demander des explications.
Le motif d’insatisfaction de ces commerçants tient à l’argent. Et plus précisément à la redevance municipale dont ils doivent s’acquitter pour occuper le domaine public afin d’y installer leurs étalages et leurs portants. S’ils ne sont pas contre le principe de cette redevance, ils s’expliquent mal la différence de traitement appliqué par la mairie aux différents commerces. Quant un bar ou un restaurant doit s’acquitter de 18 euros/m²/an pour une terrasse sans aménagement fixe, un magasin de vêtements ou un buraliste doit lui s’acquitter de 43 euros/m²/an.
Pour le maire, cette différence tarifaire se justifie parce que « la nature de l’occupation du domaine public n’est pas comparable ». Un argument qui ne convainc pas vraiment les commerçants concernés. A vrai dire, on est comme eux : peu convaincus. Voire pas du tout. Quelle différence de nature y aurait-il donc qui expliquerait ce caractère non comparable ? Même après intense réflexion, on ne voit pas. Qu’il s’agisse d’un bar, d’un restaurant, ou d’un magasin de vêtements, d’une librairie, d’un buraliste … etc, le principe reste et demeure le même : occuper une partie du domaine public afin d’y écouler sa marchandise. Que cette dernière soit des cafés, des bières, des sandwiches, des plats du jour, des robes, des livres, des journaux ne change rien à rien.
Le maire semblant bien à mal de produire un quelconque argument convaincant, son premier adjoint a aussitôt volé à son secours. En n’hésitant pas à affirmer pour sa part « qu’Aix les Bains a su conserver une certaine mesure dans ses tarifs, et que ceux-ci sont inférieurs à ceux des villes voisines de taille comparable ». Tient, voila qui nous rappelle étrangement la grande envolée lyrique du maire à propos des tarifs des cantines scolaires de la ville. Tarifs soit disant inférieurs de 30% à ceux de Chambéry. Lire par ailleurs cet article de 2009 pour voir qu’en réalité il n’en n’est rien. Chat échaudé (par l’histoire des tarifs des cantines) craignant l’eau froide, nous sommes partis à la recherche des tarifs des autres villes concernant l’occupation du domaine public, afin de comparer avec les tarifs aixois. Histoire de vérifier le bien-fondé des affirmations de Renaud Beretti
Première difficulté : trouver des villes voisines d’Aix les Bains et qui soient de taille comparable, comme le dit le premier adjoint. Aix compte environ 28.000 habitants. Sa voisine la plus proche, Chambéry, environ 57.000. Soit plus du double. Rumilly n’en compte que 13.000 à la louche. Soit moins de la moitié. Albertville environ 19.000, Saint-Jean de Maurienne moins de 10.000. La Motte Servolex environ 12.500. Bref, il est bien difficile de trouver dans le voisinage d’Aix les Bains une ville de taille comparable. Si l’on s’en tient au critère de classement du ministère des finances, Aix les Bains est dans la strate des villes de 20.000 à 50.000 habitants. Une strate dans laquelle aucune de ses voisines ne figurent. A quelles villes voisines de taille comparables Renaud Beretti fait-il alors allusion ? On craint que la seule réponse possible à cette question ne soit « à aucune car il n’en n’existe pas ! ». Ce qui implique donc que la comparaison faite par le premier adjoint n’existe pas non plus.
Accordons quand même un bon point à la ville d’Aix les Bains. Son catalogue complet des tarifs municipaux est accessible en quelques clics sur son site internet. Toutes les villes citées ci-dessus ne peuvent pas en dire autant. Impossible par exemple de connaitre les tarifs chambériens et anneciens en surfant sur les sites internet des municipalités en question. Et ce n’est pas faute d’avoir cherché !
Citons pour mémoire les tarifs de la municipalité de Saint-Jean de Maurienne : ou plus exactement le tarif. Qu’il s’agisse d’une terrasse, aménagée ou pas, ou d’un étalage, le tarif est le même : 10,75 euros/m²/an. Pour les terrasses, le tarif aixois est 67% plus cher. Pour les terrasses fermées, Aix les Bains est 235% plus chère. Et pour les étalages, le tarif aixois est tout simplement 400% plus cher.
Citons également les tarifs de Voiron, ville pas vraiment voisine mais qui a le mérite d’être dans la même strate démographique qu’Aix les Bains. Pour les terrasses, aménagées ou pas, le tarif est de 19,4 euros/m²/an. Soit peu ou prou la même chose qu’à Aix. Pour les terrasses fermées, le tarif voironnais est de 42,8 euros/m²/an. Contre 76 à Aix les Bains, qui se trouve donc être 77% plus chère. Un étalage à Voiron ne coute que 19,4 euros/m²/an (le même tarif que pour les terrasses). Là encore Aix est donc plus chère, de 220%.
Notons au passage que dans ses deux villes, la municipalité ne fait pas de « discrimination » entre commerçants : tous sont logés à la même enseigne et soumis au même tarif. Ce qui démontre de façon incontestable que dans certaines communes, la nature de l’occupation du domaine public par un cafetier ou un restaurateur d’un côté, et un magasin de vêtements ou de livres de l’autre, est parfaitement comparable. Et pan dans les dents de Monsieur Dord qui affirme mordicus que la nature de cette occupation ne peut en aucun cas être comparable !
Quant à la « certaine mesure » qu’Aix les Bains aurait su garder dans ses tarifs (dixit Renaud Beretti), on ne sait pas trop quoi en penser à la vue de la comparaison pas vraiment à l’avantage de la cité aixoise. Mais on imagine ce qu’aurait été les tarifs aixois si cette certaine mesure n’avait pas été gardée.
LE MOT DE LA FIN
A noter que ce n’est qu’en 2011 que La Motte Servolex a instauré une redevance d’occupation du domaine public pour les commerçants. Avant, c’était gratuit. Hélas, pas de comparaison possible avec Aix, les tarifs motterains n’étant pas accessibles sur le site de la mairie. Ce qui n’est pas le cas en revanche pour les tarifs municipaux de Rumilly. Et là, surprise, aucune mention de tarifs de redevance d’occupation du domaine public pour les commerçants. Ce qui tend à démontrer que cette occupation est consentie à titre gratuit. Et comme d’après notre premier adjoint, les tarifs aixois seraient moins chers que ceux des villes voisines, voici une sacrée prouesse à porter au crédit de notre bonne municipalité : elle réussit à faire moins cher que gratuit ! Ca s’arrose non ?
ET UN DERNIER POUR LA ROUTE
Mais au fait, que pense l’adjointe au commerce de tout cela ? Etrangement, le DL, qui a ébruité cette affaire, ne semble pas avoir pensé à demander son avis à l’adjointe au … commerce. Sans doute s’occupe-t-elle d’un autre genre de commerce. Celui de la pêche aux voix pour les élections. Et on ne peut pas dire que ses affaires soient bonnes !