Par une étrange coïncidence, il aura fallu attendre le jour de la signature du contrat de l’éclairage public avec le groupement Citeos pour que l’on commence à avoir enfin connaissance des vrais chiffres concernant la privatisation de l’éclairage public d’Aix les Bains.
Ce sans qu’il existe un lien de cause à effet entre les deux faits. Si les chiffres en question sont sortis au grand jour, la mairie n’y est pour rien. Tout le mérite en revient à l’Essor Savoyard, qui dans son édition du 14 janvier dévoile « Les dessous du contrat Vinci » (le groupe Citeos est porté par Vinci Energies). Des dessous qui nous emmènent sur les rivages du marketing politique. Car comment qualifier autrement le discours et l’action conduite par la municipalité depuis 2009, au regard des énormes distorsions, que chacun peut désormais commencer à constater, entre les chiffres annoncés et les chiffres réels ? Oui, assurément, il s’agissait bien de faire du marketing. De « vendre » un projet aux aixois et aux élus.
Des points lumineux par treize à la douzaine
Commençons en douceur et tout en légèreté avec la valse du nombre de points d’éclairage public de la ville. Pour un peu, on pourrait dire qu’ils partirent 500 mais qu’ils se virent 6.500 en arrivant au Grand Port ! Combien y en a-t-il en réalité ? 6.000 d’après les éléments fournis aux élus en juillet 2009 au moment du vote sur le principe du recours à un contrat de partenariat. 6.500 d’après Sylvie Cochet à l’automne 2010. 6.200 d’après le Dauphiné Libéré à quelques jours de la délibération du 16 décembre dernier qui a entériné le choix de Citeos. Bien difficile de s’y retrouver dans cette ronde. Et voila donc que l’Essor dévoile que la dernière étude en date, réalisée en 2009 postérieurement à la délibération de juillet, dénombre non pas 6.000, non pas 6.200 ni 6.500, mais 5.800 points lumineux sur la ville. Comme il est fort peu probable qu’en moins d’un an la ville ait réussi à installer 700 nouveaux points lumineux (et si c’était le cas cela démontrerait que la ville n’a pas besoin d’un PPP pour investir et moderniser son éclairage), il faut en conclure soit que Sylvie Cochet ne connait pas le dossier, soit qu’elle a volontairement gonflé le chiffre. Sans que l’on comprenne bien d’ailleurs quelle utilité ce gonflement pourrait avoir.
Plus vétuste que l’éclairage public aixois, tu meurs !
Poursuivons avec du un peu plus lourd. Et même du déjà bien pesant. Le texte ci-dessous figure noir sur blanc dans la délibération soumise au vote des élus le 6 juillet 2009.
Rappelons que la finalité de cette délibération était d’autoriser la ville à avoir recours à un contrat de partenariat public privé pour son éclairage public. Autorisation qui nécessite d’être étayée par de solides arguments. Parmi les arguments avancés, Dord et ses compères annonçaient donc que « 50% des équipements d’éclairage public sont vétustes ». Encore une fois, on n’invente rien : c’est mot pour mot ce qui est écrit dans la délibération.
Et voila que le jour de la signature du contrat, l’Essor révèle aux aixois, toujours en se basant sur l’étude de 2009 évoquée plus haut, que seulement 1.200 des 5.800 équipements sont vétustes. Sortez vos calculettes. 1.200 sur 5.800, cela fait à peine 21%. Donc en aucune façon plus de 50%. Contrairement à ce qui a été dit (et même écrit) aux élus en juillet 2009 pour les convaincre qu’il fallait absolument que la ville s’engage dans un contrat de partenariat.
Où il est question de massif, mais pas des Bauges
Terminons (pour le moment) ce débat de chiffres avec un point crucial, celui du montant des investissements. Pour éclairer ce débat (c’est de circonstance), il est fort utile de faire appel à la mémoire audio. Autrement dit de se replonger dans les enregistrements des séances du conseil, que les élus d’Aix Avenir mettent à disposition de tout un chacun sur leur site internet. Au passage, vous noterez que la ville s’abstient toujours de le faire. Et ce bien qu’en 2007 elle ait signé un contrat de refonte de son site internet, dont le cahier des charges précisait expressément que celui-ci devrait permettre la mise à disposition des enregistrements du conseil, et même la retransmission des séances en direct. Parenthèse refermée.
Grâce au travail des élus d’Aix Avenir, on peut donc 18 mois plus tard entendre et réentendre le maire défendre son projet de contrat de partenariat. Presque avec des trémolos dans la voix. Dans son discours, une expression revient comme un leitmotiv : « investissements massifs ». Ce qu’explique Dord en substance en ce 6 juillet 2009, c’est que grâce à son contrat de partenariat, la ville va pouvoir faire des investissements massifs pour son éclairage public, et qui plus est des investissements massifs (encore et toujours) concentrés sur une très courte période. Pour enfoncer le clou, Dominique Dord conclut, un rien sentencieux, que c’est là « le principal intérêt du contrat PPP ». Retenez bien cette phrase, nous y reviendrons sous peu.
Alors, c’est quoi des « investissements massifs » au juste ? Là encore l’enregistrement de l’intervention de Dominique Dord lors du conseil du 6 juillet 2009 apporte une réponse. Une réponse sans la moindre ambiguïté. Evoquant le maintien de la gestion de l’éclairage de la ville dans le cadre d’une régie publique, le maire affirme alors haut et fort que dans cette hypothèse « on [la ville, NDLR] ne pourrait pas investir 5 millions d’euros sur une année comme va le faire le partenaire ».
Reprenons les éléments ci-dessus et assemblons-les. D’après le député-maire, en juillet 2009, le principal intérêt d’un contrat PPP c’est donc de permettre des investissements massifs concentrés sur une courte période, des investissements de 5 millions d’euros sur une année !
Fort bien. Sauf que … sauf que voila qu’en ce 14 janvier 2011, l’Essor Savoyard révèle également que ce n’est pas 5 millions en un an que le partenaire va investir. Mais que les « investissements massifs » annoncés par Dord vont se limiter à seulement 2,5 millions d’euros (la moitié donc), répartis sur … 3 ans. Autrement dit 833.000 euros par an ! Soit 383.000 euros de plus que les 450.000 que la ville investissait chaque année dans son éclairage public sans avoir le moins du monde besoin de recourir à un contrat PPP.
383.000 euros chaque année pendant 3 ans : ah ils sont beaux les investissements massifs promis par Dord ! Et là, on ne voit pas du tout pourquoi la ville aurait besoin de signer un contrat de 15 ans pour investir 383.000 euros de plus pendant 3 ans.
Pour enfoncer le clou, on pourrait aussi ajouter qu’en 2009, le maire promettait que le contrat PPP allait permettre de concentrer 70% des investissements sur les 3 premières années. Et là, nouvelle révélation dans l’article de l’Essor : ce ne sont pas 70% des investissements qui seront réalisés sur cette période, mais tout au plus 50%.
Conclusions
On se risquera à deux conclusions. Sans doute temporaires. La première est en forme d’interrogation : où est l’intérêt de la ville dans ce contrat ? Comme on l’a vu plus haut, le principal intérêt du contrat PPP évoqué par Dord en 2009 ne tient pas. Alors si l’intérêt principal ne tient pas, quels autres intérêts peuvent justifier la signature de ce contrat ? Cette question, figurez-vous que Dord y a lui-même répondu en 2009, toujours lors du conseil du 6 juillet. Après avoir indiqué quel était l’intérêt principal du PPP (voir ci-dessus), il a dit que les autres intérêts étaient relatifs, et qui ce qui comptait c’était de pouvoir préfinancer des investissements massifs. Et donc, comme il n’y a pas d’investissements massifs grâce au contrat signé le 14 janvier dernier, on repose la question : où est l’intérêt pour la ville ?
La seconde conclusion s’adresse plus spécifiquement aux élus. Et notamment à ceux qui ont voté en faveur du contrat PPP, c'est-à-dire tous les élus du groupe de la majorité. A leur place, on se poserait des questions. Pourquoi leur a-t-on présenté des chiffres qui ne correspondaient pas à la réalité. Pourquoi a-t-on omis de leur fournir, préalablement à la délibération du 16 décembre dernier, les annexes au projet de contrat, qui sont pourtant des documents indispensables, étant les seuls à fournir des informations chiffrées précises sur le contrat en question ? Oui, à leur place, on se poserait des questions. Et on essaierait de trouver des réponses satisfaisantes. Mais en ont-ils l’envie ?