Sommes-nous, nous habitants d'Aix les Bains, des Rockfeller en puissance qui s'ignorent ? Ignorons-nous que sous nos pieds se trouve peut-être une véritable mine d'or. Sans jeu de mots, on n'a pas écrit "mine Dord". Bien que l'idée de le faire nous ait un brin chatouillé le cortex cervical.
Une mine d'or à Aix ? A l'heure où le slogan du Petit Père du Peuple de Droite (travailler plus pour gagner plus) fait fureur auprès de la ménagère de moins de cinquante ans (et un peu moins auprès des chômeurs de plus de cinquante ans en fin de droit), ne voila-t-il pas une occasion rêvée de gagner plus ... oui, mais sans travailler plus.
Petite visite guidée à travers les circonvolutions complexes du cheminent de notre idée.
Fait n°1 avéré (dixit le "meilleur d'entre nous", alias DD) : Aix les Bains dispose d'un potentiel important de "production" d'eau potable. Un potentiel nettement supérieur à ses besoins, et qui lui permet de s'engager à distribuer jusqu'à 1.600 m
3 d'eau par jour à une société privée pour qu'elle la mette en bouteille et qu'elle la revende à d'autres habitants moins chanceux que les aixois.
Fait n° 2 tout aussi avéré : l'eau en question a longtemps approvisionné les robinets des aixois, et y contribue encore en partie de temps à autre.
Fait n° 3 que l'on n'a pas pu prendre en défaut : le contrat de service qui lie chaque foyer aixois à la SAUR (délégataire de la gestion de l'eau pour la commune) n'interdit en aucune façon que les dits foyers réservent l'eau ainsi fournie à un usage personnel et strictement domestique.
Maintenant prenez ces trois faits, mettez-les ensemble dans un shaker et agitez vigoureusement le tout. S'il vous reste quelques petites cellules grises encore fonctionnelles malgré la décérébration qui doit vous guetter à force d'écouter les discours lénifiants de la majorité UMP d'Aix et d'ailleurs, vous devriez pouvoir extraire de ce cocktail sa substantifique moelle.
A savoir que vous pouvez, en tant que particulier, commercialiser l'eau qui sort de vos robinets.
Une eau qui n'est certes pas de l'eau de source, mais qui à l'évidence possède des qualités au moins égales si ce n'est supérieures à la future eau de source de Mémard. Et pourquoi donc ? Suivez un peu ! Avant, le réseau d'eau potable de la ville était alimenté par cette eau de source.
Puis on a changé de "source". Pas parce que la source de Mémard avait un débit insuffisant (puisque Mister Zizi Jean-Maire nous explique que sur cette source il y a largement de quoi non seulement couvrir les besoins de la ville mais en plus de quoi en refiler des quantités astronomiques à la SEAB). On ne peut donc qu'en déduire que ce changement se justifiait par l'apport d'une eau de meilleure qualité. CQFD.
Bon d'accord, mais, commercialiser de l'eau, est-ce vraiment là une mine d'or ?
Il est certes peu probable que la ville vous concède le même prix qu'à la SEAB. Il vous en coûtera en gros 1,53 €HT le m
3, contre 1,00 €TTC pour la SEAB. Et vous n'aurez très certainement pas le droit non plus à un abattement pour "perte de volume" (soit dit entre nous et l'arrière-gauche du football club de Méry, on se demande bien où ce volume se perd !).
Il vous faudra par ailleurs consentir à quelque investissement, que vous serez fort avisé de financer par un emprunt, en n'hésitant pas à vous faire conseiller par le futur délégataire du marché public de la mission d'assistance à la gestion de la dette communale (lire
L'équipe municipale incapable de gérer la dette de la ville ? ). Une garantie 100% pur beurre de réaliser un investissement optimisé à l'extrême.
Reste malgré tout que vu le grand écart entre le prix d'achat et le prix de vente, il doit franchement y avoir moyen de moyenner quelque chose de pas mal.
Reprenons les chiffres. Vous achèterez votre eau 0,153 centime le litre (HT).
Les
gogos gentils consommateurs
finauds finaux devront eux débourser à peu près 11 centimes le litre (TTC), en admettant que vous choisissiez de commercialiser votre eau dans la gamme "1
er prix". Mais rien ne vous empêche de viser plus
eau haut : les prix sont supérieurs, mais les eaux ... ben on ne voit pas en quoi elles sont supérieures.
Pour simplifier, restons sur l'exemple de la gamme "1
er prix". Une gamme pour laquelle le coefficient de vente des grandes surfaces se situe entre 1,05 et 1,07. Le coefficient de vente étant le rapport entre le prix de vente TTC au consommateur et le prix d'achat HT pour la grande surface, il est donc aisé de calculer que vous pourrez vendre votre eau aux distributeurs au pire à 10 centimes le litre.
Ca y est, ça a fait tilt dans votre cerveau (ou ce qu'il en reste) ?
Résumons, prix d'achat = 0,153 centime, prix de vente = 10 centimes. Ca ne ferait-y pas comme une jolie culbute ? Juste une petite multiplication par 65.
Bon, inutile de se la jouer, ce n'est pas demain la veille qu'on verra un aixois se mettre à commercialiser de l'eau qu'il aura "puisé" à son robinet.
Pour autant, la petite blagounette ci-dessus n'est pas inutile puisqu'elle permet d'apporter un éclairage supplémentaire sur le dossier de l'eau de source de Mémard. Car avec un prix d'achat à 0,095 centimes le litre HT (1 €TTC les 1000 litres, TVA à 5,5%, et encore on ne tient pas compte de l'abattement pour perte de volume), un prix de vente aux grandes surfaces à 10 centimes le litre, la SEAB va pouvoir réaliser une marge brute de 9,905 centimes par litre.
On a bien écrit marge brute, pas bénéfice net. Marge sur laquelle il faut quand même financer les moyens de production (l'usine, mais qui est déjà rentable avec la seule eau minérale d'Aix les Bains), les salaires, les bouteilles, et la logistique.
Ca peut sembler faire beaucoup et devoir engloutir la totalité de notre marge brute. Mais appliquée aux 30 millions de litres que la SEAB prévoit de diffuser chaque année, la marge brute unitaire donne alors pas loin de 3 millions d'euros. De quoi voir venir non ?
Une bonne affaire ... pour la ville comme le dit "Saint-Innocent le Martyr" ?
NB : pour un peu farfelue que soit notre historiette et son ton légèrement badin, les chiffres ci-dessus ne sont pas pour autant avancés au hasard. Maintenant s'il se trouve un responsable de grande surface pour apporter un démenti ou un complément d'information pour ce qui concerne ses prix d'achat et ses coefficients de vente, il ne faut surtout pas qu'il se prive.