Jésus changeait parait-il l'eau en vin (lire en fin d'article). Les alchimistes du moyen-âge rêvaient eux de changer le plomb en or. Les nouveaux dieux d'aujourd'hui, les multinationales, tirent la quintessence du passé en réussissant à changer l'eau en or.
Le documentaire allemand « Water makes money » diffusé mardi soir à 20h40 sur Arte est intéressant à plus d’un titre. Voici les premières lignes de présentation qu’en fait Télérama sur son site internet : « Huit Français sur dix achètent désormais leur eau à Veolia en premier lieu, à Suez dans une moindre mesure et enfin à la Saur. Peut-être auront-ils remarqué que leurs factures augmentent à mesure que ces entreprises font des profits colossaux ? Water Makes Money, réalisé par Leslie Franke et Herdolor Lorenz, montre les méthodes qui permettent, à Veolia en particulier, de s'enrichir sur le dos des usagers ».
Plus loin on peut lire ces propos sans ambiguïté : « Plus largement, Water Makes Money dénonce les financements opaques, le manque de contrôle démocratique, les augmentations continues de prix à long terme, le mauvais entretien des canalisations (peu importe les fuites puisque l'eau est payée par l'usager), l'utilisation systématique et parfois inutile de chlore... Il montre à quel point Veolia est bien introduit dans les hautes sphères politiques (quelques exemples parmi d'autres : Stéphane Richard, ex-chef de Veolia Transport est devenu en 2007 directeur de cabinet au ministère de l'Economie et des Finances ; Dominique de Villepin fut brièvement conseiller international chez Veolia...). Et à en croire un spécialiste des lobbys interrogé, Veolia est très ancrée dans les arcanes de l'Union Européenne. Les auteurs évoquent même dans le film une corruption structurelle ».
En toute logique, la lecture de ces quelques lignes devrait allumer un petit clignotant dans le subconscient de n’importe quel aixois. Certes l’eau de la ville n’est pas gérée par Véolia, ni par Suez, mais par la Saur, dont le nom est aussi cité. Pour le reste, tout colle à la situation aixoise. Un réseau d’eau dont la qualité ne cesse de se détériorer : 40% de fuites fin 2000, 46% fin 2009. La Saur, avec l’aval des élus de la majorité, préférant parler, très officiellement puisque le terme figure dans la présentation de son rapport de délégation de service public, de « non amélioration » ! Mais de qui se moque-t-on !?
Une opacité totale sur le contrat : aucun citoyen n’en connait aujourd’hui la teneur exacte. L’ancien maire signataire du contrat, Gratien Ferrari, et l’actuel maire, Dominique Dord, se renvoyant la responsabilité du coût exorbitant d’entretien des réseaux. Pour le premier, le contrat prévoyait que cet entretien serait à la charge de la Saur. Pour le second, ce n’était pas prévu. Mais ni l’un ni l’autre n’a le courage de présenter aux habitants l’intégralité des documents contractuels.
Quant à l’augmentation continue du prix de l’eau potable, il suffit de regarder ses factures. Et aussi de se souvenir que Dord à instauré une nouvelle taxe sur l’eau. Le tableau ci-dessous donne les chiffres de l’évolution du prix de l’eau potable entre 2001 et 2010. En clair, le prix a été multiplié par 1,5 en 10 ans. Rappelons que sur la même période, le réseau d’eau s’est dégradé, avec 40% de fuites en fin d’année 2000, et 46% de fuites fin 2009.
Aujourd’hui de nombreuses communes françaises ont déjà remunicipalisé la gestion de l’eau. Ou y réfléchisse sérieusement. Des communes de toutes tailles : des plus petites aux plus grandes (Paris, Grenoble …). Pour défendre son contrat de privatisation de l’éclairage public de la ville fin 2010, Dord arguait du fait que plusieurs autres villes avaient aussi eu recours à ce même type de contrat. Il ne devrait donc pas être insensible au fait que pour l’eau, nombre de villes françaises sont en train de faire la démarche inverse. Un élément à prendre en compte lors du renouvellement du contrat de la Saur, en 2018. Pour l’éclairage, c’est hélas trop tard. Le contrat est signé pour 15 ans fermes. 15 ans à l’issue desquels le prestataire (Vinci) se sera largement remboursé sa maigre avance de fonds, encaissant au passage une confortable marge. Et ce alors même que la ville avait parfaitement les moyens financiers de réaliser les mêmes investissements sans recourir à un contrat du type de celui signé par Dord.
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Changer l’eau en vin : un miracle ?
Ainsi donc, Jésus aurait changé l’eau en vin. C’est ce que l’église catholique appelle un miracle. Un miracle ? Faudrait voir à voir. Car ce faisant, Jésus a peut-être tiré une épine du pied de l’ordonnateur des noces de Cana, qui se trouvait bien en mal d’abreuver ses invités. Mais du même coup il a aussi :
- contribué au développement de l’alcoolisme parmi la population de Galilée, y compris chez les plus jeunes puisqu’il est désormais prouvé que de nombreux adolescents étaient présents à ces noces
- augmenté considérablement l’insécurité routière sur les voies romaines, à une époque où les alcootests n’existaient pas encore
- favorisé l’émergence de producteurs d’infâmes piquettes, puisqu’il est avéré que le vin issu de son miracle relevait plus, pour ce qui est de la qualité, du Kiravi que du Château Margaux